OM – Valence : après l’Ibère vient le printemps

Le bouquet final. L’apothéose, le clou du spectacle. Ce soir l’OM joue, pour de vrai. Pas contre la bande à Loulou, encore moins celle à Mombaerts : c’est le grand FC Valence, champion d’Espagne, que Marseille défie en Suède. Finies, les rencontres en trompe-l’oeil de la fin de saison. Terminés, le jeu sans enjeu, les […]

Le bouquet final. L’apothéose, le clou du spectacle. Ce soir l’OM joue, pour de vrai. Pas contre la bande à Loulou, encore moins celle à Mombaerts : c’est le grand FC Valence, champion d’Espagne, que Marseille défie en Suède. Finies, les rencontres en trompe-l’oeil de la fin de saison. Terminés, le jeu sans enjeu, les joutes dont on se broute. Oubliés, le championnat, les cinq matches sans victoire et la septième place. Les réservistes peuvent partir en vacances, ce soir l’OM ne joue pas un match, il joue sa peau.

Une finale de Coupe d’Europe. Cela faisait longtemps, serait-on tenté de penser. Et bien pas tant que ça, justement. Quatre finales en treize ans, dont la dernière en 1999 : loin d’être un épiphénomène, la qualification olympienne s’inscrit dans une tendance lourde. Même lorsqu’il n’est pas au mieux, même en l’absence d’un effectif de très haut niveau, l’OM répond présent en Coupe d’Europe. Hier Ibrox Park et Olympiastadion, aujourd’hui Anfield Road et San Siro : si l’on veut trouver une continuité dans la tumultueuse histoire olympienne, c’est bien du côté de l’Europe qu’il faut chercher.

Ce groupe possède en effet une étonnante faculté à se transcender lors des matches européens, à se sublimer, à repousser les limites imparties par la raison et le bon sens. Car l’OM n’est pas la meilleure équipe d’Europe, ni même de France. L’OM n’est pas non plus favori ce soir, loin s’en faut. Mais l’OM a un destin continental. Ou plutôt : les Marseillais croient avoir un destin continental, et c’est cette foi narcissique et déraisonnable qui leur permet d’assurer le spectacle – ne serait-ce que par intermittence.

Un regain de foi auquel n’est pas étranger le grand manitou des vestiaires olympiens, l’homme dont la tenue fait office de baromètre : José Anigo. Tel l’oiseau en parade, notre homme sait se faire beau lors des grandes occasions. Avec un costard-cravate en guise de plumage nuptial, qui reconnaîtrait le drôle d’oiseau débarqué en janvier, dont on pensait qu’il ne resterait que le temps d’une migration ?

Certes, en cas d’échec, quelques girouettes nous diront que, en dépit du beau parcours européen, ça ne vole pas bien haut : au niveau comptable, le bon José a même fait moins bien que son prédécesseur. Mais les chiffres, ça ne parle pas au supporter. La finalité du sport, qu’est-ce sinon procurer des émotions ? A ce titre, quel parcours aura le plus fortement marqué l’histoire de l’OM : une troisième place en championnat conquise sans panache, ou la fabuleuse épopée européenne dont le dernier acte se jouera ce soir ?

Niveau émotions, le supporter sera servi. Faites chauffer les pacemakers, l’OM va jouer avec nos nerfs. Pas celui de la guerre, même si la finale rapportera moult deniers au club, mais plutôt le nerf pneumogastrique, celui qui ralentit les battements du coeur. Si notre seule présence en finale est déjà un motif de satisfaction, une victoire aurait quand même une toute autre saveur. Car l’enjeu est là, et il est multiple : être le premier club français à remporter la Coupe, s’assurer une participation à la prochaine édition, transformer une saison en demi-teinte en franc succès.

C’est dire si la motivation viendra d’elle-même au moment d’entrer sur la pelouse. Mais entre vouloir et pouvoir, il y a une différence de poids. Un poids lourd, en l’occurrence, car l’autre finaliste est une des meilleures équipes d’Europe. Ni un grand en perte de vitesse, comme le sont Liverpool et l’Inter, ni une baudruche mal dégonflée, comme Newcastle ; juste une grande équipe, en forme, qui vient de remporter le plus beau championnat du monde, et qui se rendra à Göteborg l’esprit libéré des joutes domestiques.

Valence est une sorte d’anti-Real. Sa force tient d’abord à une grande rigueur défensive : sa charnière centrale Ayala-Marchena, une des meilleures d’Europe, protège on ne peut mieux le portier Canizares, dont le principal mérite est d’être resté crédible, en dépit d’une coupe de cheveux à faire frémir une fashion-victim auxerroise. Le milieu, tenu de mains de maestro par le duo Albeda-Baraja, n’est pas en reste : résister à leur défi physique ne sera pas une mince affaire. L’animation offensive, enfin, n’a rien à envier à personne : Vicente et Mista sont capables de faire basculer un match par un geste de classe, par une inspiration lumineuse. Voilà les trois duos qui constituent l’ossature de l’équipe espagnole ; s’il se trouvait encore quelqu’un pour douter de leur talent, rappelons que Pablo Aimar, le génial meneur argentin, ne joue à Valence que le rôle d’un joker de luxe. Un étalonnement on ne peut plus valorisant.

Côté olympien, tout le monde connaît les dix titulaires inamovibles, la onzième place se jouant entre Laurent Batlles et Steve Marlet, avec un net avantage au second. Hormis Fabien Barthez et Didier Drogba, difficile de faire émerger des joueurs clés : dans un tel match, chacun a de l’importance, la moindre défaillance pouvant s’avérer fatale. Anigo, en tout cas, n’innovera pas : son système est bien rôdé, et la plupart des titulaires sont restés au repos samedi dernier. La seule inconnue est le cas Didier Drogba : jouera, jouera pas ? Et s’il joue, sera-t-il en pleine possession de ses moyens ? L’absence de Drogba – bien que peu probable – serait évidemment un coup très dur. Mais Anigo n’a-t-il pas perdu une occasion de se taire en disant que celle-ci serait  » dramatique  » ? L’OM a bien gagné à Milan sans lui, et avec un Camel Meriem format européen, et un Steve Marlet bien affûté, tout reste possible.

Possible, voilà ce que devront se dire nos joueurs en rentrant sur la pelouse. Pas comme à Moscou il y a cinq ans, où les olympiens s’avouèrent vaincus d’avance. Ils auront la possibilité d’écrire en majuscules une nouvelle ligne sur le palmarès phocéen. De prouver qu’il n’y a pas que dans les musées et les salles des trophées que l’OM est le plus grand club français. Et, peut-être, d’initier un nouvel âge d’or olympien, en confortant l’équipe dirigeante dans ses choix et dans ses projets. Après l’hiver vient le printemps, a-t-on coutume de dire : puisse ce match en être l’équinoxe !