OM – Caen : Quand tout fout le camp…

Belle chimère que la stabilité. A Marseille, bien sûr, puisque qu’en d’autres lieux des esprits bien avisés en ont fait, plus qu’un voeu pieux, la clé de leur réussite. A Lyon, on le sait, mais aussi à Lille ou à Rennes, où joueurs et entraîneurs ont cessé d’être la poule aux oeufs d’or des sociétés […]

Belle chimère que la stabilité. A Marseille, bien sûr, puisque qu’en d’autres lieux des esprits bien avisés en ont fait, plus qu’un voeu pieux, la clé de leur réussite. A Lyon, on le sait, mais aussi à Lille ou à Rennes, où joueurs et entraîneurs ont cessé d’être la poule aux oeufs d’or des sociétés de déménagement. Même François Pinault s’est laissé convaincre par la nouvelle valeur refuge du football français, lui qui a bâti son empire sur des coups de poker et des entourloupes. Mais en football bluffer n’est pas gagner, et à vouloir de suite et la victoire et l’ivresse, on n’obtient généralement ni l’une ni l’autre.

Tout bouge, rien ne change
Un constat amer que devrait méditer le pilote fantôme du navire olympien, Robert Louis-Dreyfus. Il y a dix ans, débarqué sur la Canebière avec des biftons et des ambitions plein l’attaché-case, il s’était présenté comme le Capitaine capable de redresser la barre et de tenir le gouvernail olympien d’une main ferme et assurée ; mais à défaut d’un Amiral clairvoyant, l’ami RLD se révéla n’être qu’un vulgaire canotier.
Car le bon Robert navigue à vue. Le portulan et la boussole, il n’en a cure. D’ailleurs, il n’a jamais appris à les lire ou à les manier, et c’est toujours à des sous-fifres qu’il les a confiés : tantôt à des marins d’eaux douces peu aguerris – Roussier, Marchand… – tantôt à des corsaires trop mal famés pour pouvoir manoeuvrer à leur guise – Tapie pour ne pas le nommer… Et quand, par un miraculeux hasard, un honnête marin se trouve aux commandes – hier Bouchet, aujourd’hui le quasi-papal Diouf – le Commandant en titre finit inlassablement par le faire jeter par-dessus bord, quitte à dépêcher un sbire peu recommandable pour exécuter les basses-oeuvres (Quelle personne sensée a jamais pu croire aux compétences d’expertise du  » censeur  » Acariès ?). A croire que Louis-Dreyfus aime les tempêtes…

Dommages collatéraux
Si tel est le cas, le bonhomme doit se régaler. Il faut dire qu’il y a mis du sien : tout agaçant qu’il soit, le médiocre M. Acariès n’est jamais qu’un pantin, un exécutant aux ordres de son commanditaire. Bref, s’il est vrai que c’est bien la marionnette Acariès qui a mis le feu aux poudres – et qu’à ce titre il mérite d’être l’objet du mécontentement actuel – n’oublions pas que c’est le marionnettiste Louis-Dreyfus qui en tire les épaisses ficelles, comme il l’a toujours fait par ailleurs… A le voir fomenter perpétuellement des guerres internes, on se dit qu’un milliardaire, ça doit sérieusement s’emmerder.
Mais les hobbies et autres lubies de l’ami RLD nous intéressent moins que le rendement footballistique de notre équipe. Or, dans le football moderne, ces deux secteurs – l’administratif et le sportif – sont étroitement imbriqués, fonctionnant en interdépendance presque totale : les résultats sportifs légitiment le groupe dirigeant, tandis qu’un bon fonctionnement de la direction s’avère – l’expérience le prouve – généralement nécessaire à un plein épanouissement sportif.
Il semble donc pertinent de corréler la spectaculaire baisse de régime de nos hommes aux querelles de pouvoir qui traversent actuellement le club. Alors que ce groupe, en dépit de ses lacunes, était jusqu’à resté soudé – au moins en façade – les langues se sont déliées, coïncidence troublante, au moment même où les clans de la direction ont rendu publique leur différend. Bref, les premières victimes collatérales de cette lutte interne sont les joueurs – et bien sûr tous les amoureux de l’OM.

Jugement dernier
Difficile en effet de se concentrer sur le terrain, sur ce rectangle rendu de moins en moins vert par les rapaces qui tournent autour, et qui en font un enjeu et un instrument de pouvoir plutôt qu’une fin en soi. Mais trêve de nostalgie et d’idéalisme, concentrons-nous sur le jeu ; c’est encore ce qui nous intéresse le plus.
Que le supporter dépité se rassure, Marseille n’a pas le monopole de la connerie. Aujourd’hui, Patrick Rémy, l’entraîneur qui a ramené Caen parmi l’élite et l’a hissé jusqu’en finale de Coupe de la Ligue, a été démis de ces fonctions.  » Brûle ce que tu as adoré « , dit Rémy – le saint, pas Patrick – à Clovis le jour de son baptême…
… » et adore ce que tu as brûlé « , ajouta-t-il. Aux supporters marseillais de s’en inspirer : durement vilipendés par leurs ouailles houleuses, les onze apôtres au maillot frappé de la Sainte Croix auront besoin des prières et des louanges de tous les pèlerins du Vél’. Privés d’éléments cadres – Barthez, Pedretti et Costa, en froid avec Troussier -, chahutés de l’extérieur et tourmentés de l’intérieur, les Marseillais devront être animés d’une foi puissante et infaillible. Pour atteindre l’Eden européen, il leur faudra faire un sans faute, les quatre étapes restantes prenant les allures d’un chemin de croix. Puissent-ils réussir, car c’est à ce prix, et à ce prix seulement, que le cercle vicieux du désordre – échecs et changements se nourrissant mutuellement – pourra être brisé. Amen.