Exclu FM, Ménès (2/3) : « Bielsa prône un jeu enthousiaste mais… »

Voici la deuxième partie de l’entretien accordé à FootMarseille par Pierre Ménès. Il est notamment question de Marcelo Bielsa et de son éventuelle succession.

MARCELO BIELSA

9/ La remise au boulot des joueurs par Marcelo Bielsa, c’est une vérité ou une légende urbaine selon toi ?
Je rappelle quand même que l’année dernière, à la fin des matchs allers, l’OM avait joué deux fois contre Dortmund, Arsenal et Naples. Cela te plombe une saison. Je ne sais pas, à la fin de cette saison, combien de matchs l’OM aura disputés de moins que Monaco et Paris. Comme en plus, ils ont eu le bon ou le mauvais goût de se faire sortir au premier tour des deux coupes… Les remettre au travail ? Oui sûrement. Remettre ou mettre au travail. Je pense qu’il y a une grande exigence, mais il y a aussi un côté très ludique, en tout cas au début. C’est un entraîneur qui prône un jeu enthousiaste et, comme je l’ai souvent dit à l’époque où cela allait bien, énergivore. Ce qui est bien c’est que, quand tu vois qu’il y a une fatigue, qu’elle soit physique, mentale, psychologique ou au niveau de la solidarité, c’est aussi le rôle de l’entraîneur de corriger, de lever un petit peu le pied au niveau physique ou de ressouder l’équipe. Encore une fois, je ne vois pas les différences d’entraînement au quotidien pour donner un avis. C’est l’impression que cela donne en tout cas. L’équipe a eu une première partie de saison idyllique avec quasiment aucune blessure ni suspension, là évidemment Ayew a été à la CAN, il a été en finale, Nkoulou est blessé… André-Pierre (Gignac) a beaucoup donné aussi, bien au-delà de la dépense physique. Il était leader du projet. Pour avoir pu échanger avec lui sur le sujet, est vraiment très « bielsaphile », beaucoup plus que certains autres. Du coup, il a fait de gros efforts pour arriver à un poids de forme qu’il n’a jamais eu dans sa carrière, beaucoup d’enthousiasme, beaucoup de dépense physique sur le terrain, beaucoup d’investissement au niveau du groupe, au bout d’un moment tu as la fissure. C’est bien gentil après de lui tomber dessus… C’est ça qui me gêne à Marseille et qui me semble malgré tout exacerbé par rapport à d’autres clubs. Morel était probablement responsable sur les deux buts à Saint-Étienne, tout le monde lui retombe dessus comme l’année dernière, en occultant qu’il fait depuis le début une grande saison. C’est comme inversement tous les mecs qui me disent « alors tu as vu Moutinho, il est super fort » : ouais attend, il a fait un grand match en un an et demi, super ! Il ne faut pas non plus se focaliser sur l’instantané. Si André-Pierre Gignac ne vient à marquer ne serait-ce que trois ou quatre buts jusqu’à la fin de la saison, il sera à 18 buts, ce n’est quand même pas dégueu !

10/ Il y a une véritable Bielsamania à Marseille, depuis quelques mois. Qu’est-ce qui l’explique selon toi ?
Je trouve ça exagéré, pour tout te dire. Je pense que les Marseillais se sont approprié le personnage en ne se focalisant que sur les gros matchs réussis et en faisant abstraction d’autres matchs moins aboutis, d’un parcours extrêmement chaotique à l’extérieur depuis deux ou trois mois… Mais bon voilà, le personnage fascine, parce que séduisant. Moi il ne me fascine pas. J’ai beaucoup de compassion pour la presse marseillaise qui attend depuis le début de la saison un regard. Je pense que tu peux être un très grand entraîneur, véhiculer de très belles idées au niveau du foot et avoir un minimum de politesse. Moi un mec qui viendrait tous les vendredis faire une conférence de presse et qui ne me regarderait pas une fois, je pense que cela me gonflerait. On est bien d’accord, ce n’est pas extrêmement grave. Je pense aussi que ça contribue à sa légende. Je peux me tromper, mais je ne pense pas que tout cela soit aussi naturel que cela. La glacière, le machin, etc.. je becte pas tout ça. Après j’ai vu des très bonnes choses durant cinq mois. Une saison, c’est neuf mois.

11/ Daniel Riolo considère d’une certaine manière que l’Argentin est victime d’un corporatisme, comme Carlo Ancelotti avant lui.
C’est son dada à Daniel. Comme on fait les vidéos pour FIFA, on a souvent l’occasion d’échanger. Lui pense qu’il y a un corporatisme français, moi je pense que si Laurent Blanc était le coach de l’OM et qu’il avait perdu six de ses huit derniers déplacements, l’analyse ne serait pas la même avec le même contenu. Après, le corporatisme contre Ancelotti, je pense aussi que c’est un corporatisme contre le PSG version Qatar. L’année dernière, on a quand même donné le titre de meilleur entraîneur à René Girard alors que Laurent Blanc a fait le record de points de la Ligue 1 avec son équipe. Alors, ok, il a une équipe de milliardaires, avec zéro pépin quasiment l’année dernière, mais au moins Ancelotti avait été ex æquo avec Galtier. J’y crois pas à ce corporatisme. Pour moi la preuve, c’est Gourvennec : il est français et il fait l’unanimité. Que Bielsa soit argentin, portugais, suisse ou croate, je n’en ai rien à cirer. Je ne vois pas l’intérêt d’un corporatisme. Quiconque fait progresser le football français, et nos footballeurs français quand il y en a, est important. Le Payet des trois ou quatre premiers mois était un joueur… Maintenant, ce que je demande aussi à Bielsa, c’est que Payet continue à évoluer à un certain niveau. Alors, on va me dire « ce n’est pas Bielsa qui joue ». Merci, ce n’est pas non plus Bielsa qui joue quand Marseille gagne. Pour en revenir à Laurent Blanc, quand le PSG paume, c’est pour sa faute, quand le PSG gagne, ce sont les joueurs qui sont en autogestion. Ce n’est pas possible. Ou les joueurs sont en autogestion tout le temps, et dans ce cas-là, ils sont responsables des mauvais comme des bons matchs, soit c’est Blanc qui décide de tout et dans ce cas-là, il est responsable de tout.

L’APRES BIELSA

12/ Que ce soit l’été prochain où l’un des suivants, Bielsa partira un jour. Quel profil d’entraîneur imaginerais-tu à l’OM pour lui succéder ?
Un départ l’été prochain ? Cela y ressemble. L’attachement que les Marseillais lui montrent n’a pas l’air spécialement réciproque. J’avoue que j’ai été assis par sa sortie contre Vincent Labrune, en début de saison. Parce que la seule personne qui ait pensé à faire venir Marcelo Bielsa à l’OM, c’est Vincent Labrune. C’est son choix, 100%. Je sais bien qu’à Marseille, quoi qu’il fasse, il a toujours tort. Là aussi, je trouve cela un petit peu exagéré. Alors déjà il faut un entraîneur qui a envie d’aller à l’OM. Ce n’est pas gravé dans le marbre, certains n’ont pas envie de travailler dans ce contexte. C’est un paramètre à prendre en ligne de compte. Si je dirigeais l’OM, je serais tenté par un Hervé Renard. Je pense qu’il faut un entraîneur à fougue. Par certains aspects, Bielsa en a de la fougue. Il faut un entraîneur qui sache utiliser l’adrénaline marseillaise, qui est très puissante quand tout va bien, et la contrôler, car elle est très dangereuse quand tout va mal. C’est un club un peu hystérique, dans le bon sens comme dans le mauvais. Pour faire une comparaison avec Lyon et Paris, qui sont les adversaires pour le titre, l’électroencéphalogramme est plus plat à Lyon et encore plus à Paris. Le PSG est une activité culturelle parmi tant d’autres et est loin d’avoir le poids qu’a l’OM dans la société et la vie sociale de la ville. C’est très compliqué Marseille. Tu ne peux pas vivre à Marseille. Les gens sont adorables, mais je m’en aperçois quand j’y vais, tu ne peux pas faire un mètre.

Fin de la seconde partie de l’interview. À bientôt pour la suite !
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