Exclu FM, Laurent Fournier : « L’OM, des souvenirs exceptionnels »

Laurent Fournier est passé par l’OM lors de la belle saison 1990-91. Le club disposait alors d’un effectif pléthorique, mais il était parvenu à gagner sa place au fil des mois. Il a ensuite porté les couleurs du PSG de 1991 à 1994, puis de 1995 à 1998. À partir de 2003, il a entraîné la réserve parisienne avant de prendre les rênes de son équipe première, lors de l’année 2005. Il fait partie des rares joueurs à être parvenu à remporter une coupe d’Europe (la C2 en 1996) avec un club français. Il a disputé dix Clasicos, et en a coaché deux. Bref, il sait de quoi il parle.

Laurent Fournier

Bonjour Laurent, et merci de répondre à nos questions ! Tout d’abord que deviens-tu depuis l’expérience avortée du Red Star ?

Pour le moment, j’attends qu’il y ait un club qui se libère. J’ai eu des propositions de l’étranger mais je n’ai pas voulu y aller. Et puis j’organise des stages de football pour les enfants. J’ai aussi créé un site internet de jeux gratuits pour faire gagner des équipements aux clubs amateurs qui s’appelle placedesscores.com.

Finalement, on a l’impression que tu n’as pas eu trop de bol dans les derniers choix que tu as pu faire. C’étaient toujours des contextes compliqués ?
Paris, Strasbourg et Créteil, c’était très bien. Après, Auxerre, c’est compliqué. Tous les entraîneurs qui y sont allés ont eu des difficultés, hormis Jean Fernandez qui est parvenu à les qualifier pour la Ligue des Champions. Ensuite, pour le Red Star, je pense que je me suis trompé car ce n’est pas du tout dans mon état d’esprit. On ne laisse pas travailler les gens et après neuf matchs, on vous dit que cela ne va pas alors que l’on s’est servi de vous pour faire le recrutement. Donc c’est mieux que cela s’arrête.

Profites-tu de ce répit pour te perfectionner ?
Je fais des stages et je vais voir des matchs. J’essaie d’aider les clubs amateurs, notamment avec les stages pour les enfants, et je commente des matchs à la télévision, en ce moment le championnat italien pour Sport+.

Tu as passé six saisons à Paris en tant que joueur, quelques autres en tant qu’entraîneur, est-ce que c’est le club dont tu te sens le plus proche ?
C’est le club dans lequel je suis resté le plus longtemps, d’autant que c’était sur la fin. C’est vrai que j’ai vécu de belles choses à Paris. Mais dans tous les clubs où je suis passé, hormis Bordeaux, je me suis senti à l’aise. Que ce soit Lyon, Saint-Étienne ou Marseille, je n’ai jamais eu de problème particulier.

As-tu gardé des contacts au Camp des Loges malgré le changement de propriétaires ? Considères-tu que l’on met suffisamment en avant les anciens du club ?
Oui, ils nous demandent de venir dans les loges pendant les matchs, voir les sponsors et les supporters. C’est un pas en avant car cela ne se faisait pas, auparavant. Cela nous permet aussi d’aller voir les matchs au Parc des Princes. Je ne vais plus au Camp des Loges car je n’ai pas envie que cela soit mal perçu. Il y a toujours une certaine réticence puisque j’étais entraîneur du Paris-Saint-Germain. Je préfère rester à l’écart pour laisser les gens qui sont en place travailler tranquillement.

Quels souvenirs gardes-tu de ton passage à Marseille, en 1990-1991 ?

Exceptionnels ! C’est dommage que l’on n’ait pas pu gagner la Coupe d’Europe des Clubs Champions, mais j’ai travaillé avec des joueurs et des entraîneurs (Gili, Goethals, Beckenbauer) au top des tops. J’ai trouvé des stars qui avaient beaucoup d’humilité et qui savaient de temps en temps faire abstraction du football et s’amuser à côté. C’était très bien. Je pense que c’est ce qui m’a ensuite permis de faire la carrière que j’ai faite. Parce que côtoyer des Papin, Waddle, etc.., cela permet de progresser. Je venais de Saint-Étienne et j’ai beaucoup appris. J’ai fermé ma gueule, j’ai travaillé et, sur la fin, j’ai commencé à jouer.

Du coup, le coéquipier qui t’a le plus impressionné dans ta carrière, il était marseillais ou parisien ?

Il était marspsg, disons… J’ai joué avec les plus grands : de Chris Waddle à David Ginola en passant par Jean-Pierre Papin, Éric cantona ou Zinedine Zidane, car j’ai joué avec lui à Bordeaux. Et puis j’ai commencé avec Jean Tigana et Serge Chiesa à Lyon. C’est compliqué d’en ressortir un en particulier car ils étaient tous des grands joueurs.

Considères-tu, comme Frank Leboeuf, que ces matchs sont plus plaisants pour les supporters que pour les joueurs ?

Non je ne trouve pas. Si on est joueur et que l’on s’éclate sur le terrain, je ne vois pas pourquoi on se ferait chier dans un PSG-OM. C’est dommage de penser cela ! Le football c’est plaisant pour tout le monde, les supporters, les joueurs, les spectateurs, … Enfin, peut-être pas pour les entraîneurs, car il y a vraiment beaucoup de pression. Autrefois, il y avait aussi des matchs tendus. On ne les voyait pas toujours car ils n’étaient pas médiatisés. Mais quand on est joueur et que l’on se fait chier sur le terrain, c’est grave !

Tu as finalement quitté l’OM très vite, et c’est sous le maillot parisien que tu as connu les débuts de la véritable rivalité PSG-OM. Pour ceux qui n’ont pas connu les matchs de 92-93, par exemple, c’était vraiment aussi terrible qu’on le dit ?

Je pense que cela a été une énorme médiatisation. Je ne pense pas qu’il y avait de problème particulier entre les joueurs. Je n’en ai jamais eu avec les Marseillais, ni d’ailleurs avec les Parisiens quand j’étais à Marseille, mais cela n’était pas l’époque des Clasicos. Je pense que l’on a voulu trop faire monter la sauce à la télévision et les matchs sont devenus oppressants pour tout le monde. À un moment donné, la passion a débordé. On ne se faisait pas la bise en entrant sur le terrain, on était concurrents pendant le match, mais après on redevenait copains !

As-tu quelques anecdotes à partager concernant les OM-PSG de la période Tapie ?
Oui c’était chaud parce que tout le monde parlait et que Canal+ retransmettait tous les matchs. C’étaient des matchs difficiles car Marseille avait une belle équipe et nous commencions, avec le PSG, à venir les embêter. Mais ils avaient beaucoup plus d’expérience car ils disputaient la coupe d’Europe depuis la saison 1987-88, et les premiers rôles en championnat. Nous, nous étions une équipe en construction. C’étaient de bons matchs à jouer et même si c’était tendu et crispé, on ne se faisait pas chier sur le terrain…

Quel est ton meilleur souvenir lors d’un PSG-OM ?

Je n’en ai pas un qui ressort en particulier. Le meilleur souvenir, c’est l’ensemble de ces rencontres que l’on disputait devant 45-50 000 spectateurs.

Une image qui ressort souvent, c’est ton tête contre tête avec Fabrizio Ravanelli. Te rappelles-tu du contexte de cette altercation ?
Je pense que c’était suite à des tacles. Ou alors peut-être qu’il avait du mal à comprendre le français et qu’il cherchait à savoir ce que l’on voulait lui dire ? C’était ce match où il avait plongé dans la surface de réparation. On peut être énervé dans un match car on est fatigué et l’on manque de lucidité. Courir et faire des efforts pendant 90 minutes, cela fait qu’à un moment l’oxygène n’arrive plus au cerveau et l’on pète un plomb. Après il a obtenu ce penalty, bien joué, il y en a bien d’autres qui ont plongé dans les surfaces de réparation avant lui, c’est l’expérience et la malice. Il y en avait avant, il y en a encore et il y en aura après.

En tant qu’entraîneur, on imagine que l’on appréhende le match différemment.

Plus difficilement, car il y a beaucoup de tension. Il y a des choix à faire. L’anecdote qui me reste, en tant qu’entraîneur, c’est l’ammoniaque dans les vestiaires. Ils avaient nettoyé et cela ne sentait pas bon. Quand on me dit que ce sont des savons de Provence, j’ai vécu un an à Marseille et je ne pense pas qu’ils sentent cela.

Penses-tu que l’OM a une chance face au PSG actuel ?
Je trouve que Marseille a fait un très très bon début de championnat, avec beaucoup d’envie et de pression sur l’adversaire. C’est vrai que le PSG revient à quatre points, avec un match à jouer au Parc. J’ai l’impression que le PSG joue plus à l’économie, sur la qualité de certains joueurs, alors que Marseille, c’est à 200%% à tous les matchs. Je ne suis pas surpris qu’il y ait des suspendus et des petites altercations car quand on est fatigué et que l’on a beaucoup donné, on a quelquefois du mal à accepter une critique ou un carton. En termes de jeu vers l’avant, Marseille c’est impressionnant. Je les avais vus à Caen, où Gignac a marqué le but à la 92e minute. On a vu une équipe qui n’a jamais reculé et un entraîneur qui a demandé à ses joueurs d’aller marquer le deuxième but. Ils l’ont fait ! Après, comment vont-ils réagir à la fatigue du mois de novembre ? Parce qu’ils ont fait beaucoup d’efforts… Ils ont la chance de ne pas jouer la Ligue des Champions cette semaine, et cela peut être un avantage. Mais le PSG, malgré sa mauvaise mi-temps contre Lorient, est en train de monter en puissance.

Quels sont les points faibles du PSG ?
Je ne vais pas dire son manque de motivation, mais plutôt sa facilité. Je pense que quand le PSG a envie d’accélérer, il est capable de le faire et de marquer à tout moment. Je crois que c’est cela son point faible. Si à un moment, il n’y a pas ce tenseur dans un match, ils peuvent rester sur le même rythme, et la conversation de ballon, parfois, cela ne mène à rien.

Estimes-tu, comme certains journalistes, que Laurent Blanc manque de poigne pour gérer ce groupe ?
Je ne pense pas. On l’a vu sur la réaction du match à Lorient, il les a bougés à la mi-temps, ils sont rentrés doublement motivés et ont inversé la donne. Cela, on a oublié de le dire. C’est facile de taper sur un entraîneur. L’année dernière, il a réussi à gagner le titre et à donner un certain style au Paris-Saint-Germain. C’est plus difficile cette année parce qu’il manque Ibra. Je pense que quand Ibrahimovic est dans une équipe, son potentiel augmente de 60 à 70%. Ce qu’il fait sans Ibra, c’est déjà bien.

Avec ton regard de technicien, que penses-tu de la méthode Bielsa ? Qu’est-ce que son système a de spécial ?
Déjà ils font souvent un marquage individuel. Il n’y a pas de temps faible dans les matchs, il n’y a que des temps forts. Je pense que c’est une méthode qui va marcher deux ou trois ans, car, après, les joueurs seront fatigués d’être toujours à 200%. Vont-ils tenir le coup ? Il y a pas mal de suspendus et des petits problèmes. C’est dommage que cela tombe avant le match contre le PSG. Beaucoup disent que c’est la fin mais je pense que c’est surtout dû à la méthode et à la fatigue. Les joueurs ne sont pas des fainéants et n’ont pas calculé. On le voit depuis le début, ils sont à fond tout le temps. Et quand on n’y arrive plus, on s’énerve. Est-ce qu’ils vont avoir le temps de récupérer ? On verra cela dimanche !

Te risquerais-tu à un petit pronostic ?
Je vais me prononcer pour une victoire de Paris. Cela aurait été il y a une quinzaine de jours, j’aurais penché un peu plus sur Marseille. Je pense que le PSG est en train de monter en puissance et l’OM est fatigué.

Enfin, si tu avais un message à adresser aux supporters marseillais, quel serait-il ?
J’ai passé une excellente année là-bas et je retiens toutes les chansons. Avec le beau stade qu’ils ont, j’espère qu’ils vont continuer à soutenir leur équipe, je dis bien soutenir !

Merci beaucoup pour ta disponibilité et la qualité de tes réponses. Bonne continuation !