Cette intersaison, riche en péripéties (et ce n’est peut-être pas fini), aura déjà au moins eu le mérite de mettre en lumière le nouveau rôle de notre cher président. Car la double décision du remerciement d’Alain Perrin, au cours d’un mois de janvier glacial, et le maintien de José Anigo au poste d’entraîneur, annoncé en mai (fait ce qu’il te plaît), avait une conséquence irrémédiable : Chistophe Bouchet se retrouvait alors en première ligne, et cela devenait vrai autant pour ce qui était du domaine économique que pour ce qui était de l’aspect sportif. La nomination du bon Pape Diouf n’y changeait finalement pas grand chose : le président avait déjà grillé un joker avec cette énième saison blanche, et l’éclaircie, permise par la perf météorique de la coupe UEFA, n’allait pas permettre de retenir trop longtemps les noirs nuages prêts à éclater si d’aventure la saison 2004-2005 n’était pas enfin à la hauteur des espérances.
Mais Christophe est bon prince, et, dès le mois de juin, à peine la saison bouclée sur un coup de sifflet plein de fougue et d’élégance de Pierluigi « boule de lumière disco » Collina, il annonçait la couleur : cette fois on ne modifierait – enfin ! – pas toute l’équipe et, au contraire, on allait pouvoir s’appuyer sur ce qui avait si bien marché au cours de la chevauchée européenne, une ossature aux quelques épines dorsales indispensables. Quelques noms constituaient même l’évidence : Drogba, pour le symbole du talent retrouvé, pas de figure le minot qui prouvait que le centre de formation existe toujours, Dos Santos, mémoire du club (3-4 saisons au club ? Une éternité pour Marseille – sur le terrain, s’entend), Hemdani, capitaine courage polymorphe, et, pourquoi pas, un Meriem ressuscité (ça faisait un moment qu’un joueur n’avait pas retrouvé de couleur dans la capitale phocéenne)
Et puis on a vu. Comme tous les 6 mois depuis 10 ans, l’équipe qui sera alignée lors de l’ouverture du nouvel exercice n’aura pas grand chose en commun avec l’équipe alignée début janvier, et on ne parle même pas de juillet dernier. De quoi rendre fou ? Un peu, si l’on a, éternels crédules que nous sommes, donné du crédit aux déclarations Bouchetières du printemps. Mais avait-il vraiment toutes les cartes en main ? Christophe pouvait-il savoir, par exemple, que le Corleone Russe allait vraiment claquer 37.5 millions d’euros de plus ? Comment aurait-il deviné que Bordeaux allait se montrer si gourmand pour un paquet de Camel et si conciliant pour un baril de Costa ? Pouvait-il anticiper qu’un minot allait se montrer si vindicatif et décider de filer à l’anglaise plutôt que de continuer à goûter à la bonne herbe provençale ?
La part d’intox ? Le poids du pape ? Le degré d’adaptation aux circonstances très mouvantes d’une inter-saison finalement hyper-active ? Doit-on regretter, également, d’avoir vu filer des Armand, Yepes ou Rothen qui ont proclamé leur amour de la capitale sitôt le chèque de bienvenue encaissé ?
Et puis, encore sous le coup de la perte immense d’un talent fou, on se surprend à regarder la colonne « arrivées » de notre gazette préférée d’un regard triste et désabusé, et, devant l’équipe type de la saison à venir, on devient soudain songeur, en se disant que tiens ! l’espoir n’a peut-être (sans doute !) jamais été aussi grand qu’à l’orée de cette nouvelle cuvée.
Finalement, quelles conclusions devons-nous tirer de tout ceci ? Qu’il ne faut décidément pas – ou plus – croire Christophe Bouchet, car il embrouille autant ses adversaires que ses supporters. Echaudé par l’intersaison précédente, ce dernier a bien compris que d’annoncer trop tôt des noms ou des intentions ne sert finalement qu’à une chose : au mieux, faire monter les prix. Ne plus le croire, c’est entendu, mais être sûr d’une chose : accompagné de son Pape des ex-agents, Christophe ne se sera pas montré manchot cet été, et a contribué à redonner au club une crédibilité pour le moins intéressante. Dans le pays et en Europe. Sur un point au moins, il n’aura pas menti : la ligue des champions est sans doute arrivée trop tôt l’année dernière.
Force est de constater que sur le papier, le résultat est là. Le recrutement est finalement une réussite.
Ne reste plus qu’un détail : réussir la saison sur le terrain.