Lors du tirage au sort de la Ligue des Champions, l’Olympique de Marseille a été, selon la majorité des observateurs, globalement bien loti. Certes, Liverpool, son recrutement impressionnant et sa récente finale faisaient figure d’épouvantails. Juste derrière, Porto semblait l’équipe à battre pour accéder aux huitièmes de finale de la compétition, au grand frisson des matchs à élimination directe. Le Besiktas Istanbul, du fond de son quatrième chapeau, n’était que la petite équipe qui allait se contenter des miettes et allait tenter de mettre son grain de sable dans le mécanisme des autres. Liverpool a fait voler en éclat le onze turc lors du dernier match en infligeant une fessée historique aux hommes de Saglam. Mais la fierté est un des principaux traits de caractère de ce peuple, le ticket pour la suite passe par un combat au stade Inönü.
On emploie très fréquemment le terme de » groupe de la mort » pour désigner les groupes relevés, où chaque équipe a les atouts nécessaires pour battre ses adversaires. En dehors de Porto, qui est bien parti pour connaître une qualification somme toute aisée, les trois autres écuries semblent avoir adopté un rythme de croisière tumultueux. Liverpool va probablement voir Benitez limogé ce soir en cas de résultat négatif à domicile. L’OM a déjà démis Albert Emon de ses fonctions, et le Besiktas connaît des moments difficiles avec une modeste quatrième place en championnat, et cette humiliation 8 buts à zéro à Anfield. Autant dire que cette poule subit plus souvent un courant alternatif que continu, et que la vérité du jour n’est que rarement celle du lendemain. A ce petit jeu, rira bien celui qui rira le dernier.
Mais après avoir gagné le match aller, après être allé marcher sur Anflied comme on peut marcher sur la Lune, il serait trop cruel de perdre ses illusions face à la seule équipe présumée plus faible. Accrocher ne serait-ce que la deuxième place ferait tellement de bien au club et à nous autres supporters, qu’il est impossible de gâcher une telle opportunité. Cette qualification semble à la fois si proche et si lointaine, qu’il est difficile de savoir ce que les Olympiens vont nous mijoter. Au final, l’OM est à l’image de cette ville d’Istanbul, éclectique, cosmopolite, et à deux visages pour ne pas dire à deux rivages.
La plus grande lueur d’espoir au matin ce cette rencontre capitale, c’est le retour aux affaires de Samir Nasri. Le bijou phocéen, qui retrouve match après match sa valeur et ses reflets, caractérise à lui seul l’embellie des Marseillais. Encore en manque de réussite, il pourrait marquer cette rencontre de son empreinte et s’affirmer définitivement comme le moteur du onze de Gerets. Certes Steve Mandanda et Mamadou Niang sont de grandes satisfactions, de part leurs performances décisives. Mais Samir est celui par qui l’OM va s’en sortir et retrouver une place plus en adéquation avec le standing du club et de ses ambitions. Seule aberration, son contrat qui n’est pas encore renouvelé, ou comment risquer de perdre un joyau. L’OM a mis un genou à terre après le départ de Didier Drogba, puis le second quand Franck Ribéry a quitté la Provence pour la Bavière. En position de faiblesse, le club offrirait sa tête pour une décapitation en règle en perdant Nasri.
L’autre star de l’équipe, Djibril Cissé, continue d’être conspuée et critiquée, et connaît actuellement une période terne faite de doute et d’approximation. Une carrière prometteuse, des résultats formidables, des échecs et deux fractures douloureuses, Cissé a connu à plusieurs reprises la lumière et le fond du gouffre. Comment trouver personnage qui ressemble le plus à l’Olympique de Marseille, tant le pire et le meilleur se côtoient et se succèdent ? Qui aime l’OM, aime Djibril.
Il n’est nul besoin d’aller allumer un cierge à Notre Dame de la Garde, ou bien même à Sainte Sophie ni à la Mosquée Bleue. Après les affres de la défaite et la perte des illusions, les Olympiens peuvent connaître ce soir des joies continentales oubliées depuis plus de 10 ans. C’est ça l’OM, c’est ce qui nous fait vibrer pour ces couleurs. Vivre dans le même mois un nul pitoyable contre Lorient et une victoire européenne à Istanbul, c’est connaître toutes les richesses émotionnelles du supporter. Ce panache et ce superflu, c’est Marseille, et c’est Byzance !