Rothen, le Qatar et les bijoux de famille

Voici une réponse terre à terre aux arguments lunaires de Jérôme Rothen. Parce que la défense de ce PSG ne devrait pas être prise avec autant de superficialité. Un texte qui n’engage que son auteur.

Jérôme Rothen

Avec son accent parisien et son look street style, Jérôme Rothen n’a pas mis longtemps à s’acclimater aux codes de la rédaction de RMC. En quelques mois, son orgueil et son charisme à la Clark Gable l’ont mené tout en haut. Il se doit désormais d’avoir des avis sur tout, ce qui on le conçoit n’est pas si simple.

Être choisi comme successeur de Christophe Dugarry ne constitue pas le plus mince exploit du Châtenaisien. Et pourtant, il a cumulé quelques succès durant sa carrière (coupe Intertoto, coupes de la Ligue, coupe de France, championnat de L2 et championnat d’Écosse). Il n’a pas gagné la coupe du monde, mais il peut compter sur son sens de la répartie pour soutenir des appréciations qu’il pense honnêtes. Et quand le Bostonien a attaqué les émirats, son sang glaswégien n’a fait qu’un tour. Au point d’en venir défendre l’oppresseur.

Leurre de gloire

Sur France 24, le propriétaire de l’OM s’était enfin positionné frontalement contre le pays de coeur de Neymar et Lionel Messi. Celui-là même qui faisait briller les yeux de Vincent Labrune, au Parc des Princes, à la mi-août. Certains fans olympiens attendaient ça depuis longtemps. En s’exprimant ainsi, Frank McCourt a cherché querelle à l’argument principal qui conduit des stars à venir au PSG, depuis 2011 : son argent. Or, Jérôme Rothen se souvient à quoi ressemblait Paris avant l’arrivée des Qataris. Comme membre de son vestiaire, il n’a pas connu de « jour de gloire » au sens où on l’entend à Marseille. Il a terminé au mieux 6e en 2008-2009, c’est dire s’il a vécu des classements compliqués (9e, 9e, 15e, 16e…). On comprend dès lors qu’il ne soit pas nostalgique de l’époque où les kops Boulogne et Auteuil se faisaient face.

Les supporters marseillais qui lisent cet article admettront peut-être que l’Américain a négligé l’idée que légiférer les circuits de l’argent dans le foot, c’est comme interdire les armes à feu au Texas. Il y a toujours des victimes pour s’interposer et défendre les tout-puissants qui tirent profit d’elles. En outre, les avantages qui découlent des investissements qataris bénéficient à de nombreuses personnes. Si les instances françaises n’ont pas menacé de boycotter le Mondial avec, selon le Guardian, 6 000 morts sur des chantiers, elles ne bougeront pas davantage pour réclamer un fair-play financier vraiment équitable. Enfin, on doit aussi tenir compte du fait que Frank McCourt a fait des promesses fortes aux fans phocéens alors que certains clubs États étaient déjà en place. Il défend ses propres intérêts, et pas seulement ceux des passionnés.

Les bijoux de famille

Jérôme Rothen a donc appris sur le tas son métier de consultant. Il a compris en observant certains de ses collègues qu’il était possible de donner l’illusion d’expertise d’un club en brossant les auditeurs dans le sens du poil. Comme dans d’autres médias, les employés de la radio n’ont pas le niveau pour donner un avis sur tous les thèmes abordés. Sans l’intervention de certains spécialistes tels que Florent Germain, il arrive que les actualités qui concernent l’OM soient traitées de façon superficielle. Jérôme Rothen, lui, connait parfaitement l’environnement parisien. Et lorsque le PSG ou l’un de ses joueurs est bousculé, il arrive qu’il perde sa lucidité. C’est par exemple le cas quand Neymar est accusé de viol : il qualifie alors la nana de « Ligue 2 ». Il tique aussi quand Dimitri Payet humilie Lionel Messi et ses 40 millions d’euros annuels sur la pelouse du Vélodrome : il dénigre sa prestation. Et quand McCourt s’en prend au mode de fonctionnement du Qatar, il le mord, sans qu’Eric Di Meco y trouve à redire.

Ce dont l’ancienne star de Troyes ne tient pas vraiment compte dans sa critique des propos de McCourt, c’est que si les Qataris ont investi 3 milliards d’euros, ce n’est pas pour le plaisir de l’auditoire du Parc des Princes ou pour le bien du football. L’Émir du Qatar aligne les biftons pour acheter des succès. Des succès nécessaires à son business et à sa politique. La notion d’esprit sportif lui parait aussi étrangère que celle d’égalité. Le PSG en est pour l’instant le bénéficiaire, mais rien ne garantit que ça durera. Et il arrivera fatalement un jour où la vanne sera refermée. Le club sera alors peut-être devenu indépendant financièrement, ou peut-être pas. Toujours est-il que le sport, lui, aura toujours besoin d’éthique et d’équité pour transmettre la passion. Ce dont le prive le rapport au sport des clubs États.

Quoi qu’en pensent certains twittos, il y a peu de chances que l’OM se métamorphose en rival saoudien du PSG. Sa ferveur dissuade de nombreux prétendants, et d’autant plus ces pays qui visent un environnement docile et capable d’améliorer l’image qu’ils envoient au monde. Et est-ce que leur venue devrait davantage nous faire rêver que ce que bâtit Pablo Longoria aujourd’hui ? Pour les Phocéens, un espoir réside éventuellement dans le rêve qu’après 30 ans de favoritismes, l’UEFA finisse par élaborer, peut-être par hasard, des règles justes. Mais c’est à peu près aussi hypothétique que d’imaginer certains chiens de garde ouvrent les yeux sur ce qui se passe vraiment à Paris et sur les répercussions que cela peut avoir sur un football déjà en piteux état.

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