L’OM et l’arbitrage, la loi de Murphy

Lendemain matin de Classico perdu, assis au comptoir d’un café populaire du Vieux-Port.

Difficile, impossible même de tourner la page. Comment ne pas voir à travers les erreurs d’arbitrage flagrantes que notre club a subi la veille, une injustice, une nouvelle preuve d’un complot qui n’en finit plus ?

Turpin

Monsieur Turpin, j’en suis sur, serait un parisien masqué. Des flashs me reviennent : des vidéos de l’homme en noir souriant à pleines dents à Paredes après un attentat, une autre où il tente de taper dans la main de Mbappe (qui l’ignore en retour). Le rouge imaginaire pour Imbula sous l’ère Bielsa, le rouge pour un coup de coude à l’aveugle de Gueye face à Lille.
« Attends, mais je rêve où Neymar met le coude en pire sur Rongier en début de match ?!
Toutes ses décisions sont contre nous, toutes ! »
Je me surprenais à ruminer seul, mais mes éclats de rage étaient masqués par les bavardages incessants du café.

Les gens autour de moi semblaient pourtant heureux. Je me demandais alors s’ils aimaient vraiment le foot. Non, s’ils aimaient le foot ils iraient mal ce matin. Mais la ça rigole, ça parle fort, ça parle de grève, de pénurie d’essence, de choses futiles comparées à l’injustice que subit mon club depuis des années. J’étais en boucle.

Soudain, un homme âgé s’approcha d’un pas certain vers moi : « qu’est-ce que t’as minot, ça va pas ? »
Surpris, mon téléphone s’échappa de mes mains et tomba à plat en dévoilant la dernière photo Twitter sur laquelle je m’étais arrêté : un montage photo de Turpin avec le maillot du PSG.

« On s’est encore fait baiser c’est tout ! Ça fait 10 ans qu’on se fait entuber » lui répondis-je furieux.

« Ah tu sais, tout le monde y a le droit aux impôts, moi ça fait 40 ans je paye la douloureuse et pourtant je me plains pas fils ! » rebondis le vieillard.

« Mais non rien à voir, je parle de l’OM hier soir, on s’est fait tordre par l’arbitrage, encore une fois ! »

« Ahhh, mais ça c’est Murphy mon petit ! » me rétorqua-t-il d’un ton professoral.

« Non c’était Turpin hier soir, c’est qui Murphy ? Il officie en Ligue 1 lui ? » le questionnais-je naïvement.

Le papy démarra alors une longue explication sur Murphy et la loi « physique » qui en découlait, et voici ce que je retins de cette loi qui, jusqu’alors, m’étais resté inconnue :

« Si un gars a la moindre possibilité de faire une erreur, il la fera. »

« Si cela peut mal se passer, cela arrivera »

« Si dans le champ des possibles, le pire est possible, le pire arrivera »

Murphy était-il un supporter de l’OM exaspéré par le traitement de défaveur dont est victime notre club saison après saison face à l’ogre qatari ?
Je vous rassure de suite, ou vous déçoit, mais non, Murphy n’était pas un adepte du pastis du dimanche soir sur l’esplanade du Boulevard Michelet, à déblatérer sur les futures décisions de M. Turpin, Bastien ou autre Leteixier.

Non, Murphy était un (simple) ingénieur de l’US Air Force qui, à force de constater que tout ce qui pouvait mal se passer lors de la création d’un moteur aérospatial, finit par en faire une constante, bien aidé par un cinéaste, qui vulgarisa la loi sur grand écran et parvint à faire connaitre à tous, ce qu’on pourrait simplement appeler « la loi de la malchance ».

Nous sommes 70 ans plus tard, et comment ne pas faire un raccourci avec notre OM, pensait le vieil homme. Cet enchainement de décisions en la défaveur de l’OM, c’est tout simplement la loi de Murphy adapté à notre club adoré.
Il s’agirait alors simplement de chance ? Comme lorsque l’on joue le rouge au casino 10 fois d’affilé pour doubler sa mise et que le noir tomberait 10 fois ?

« C’est ça mon petit »

Les séries de défaites face aux starlettes de la capitale avec le même arbitre à chaque fois ?
_ « C’est Murphy minot ! »
Mais les pénaltys oubliés alors ?
_ « Murphy pardi ! »
Les rouges que d’un côté ?
_ « Murphy je te dis ! »
Le but refusé à Benedetto et à Milik ?
_ « Murphy à la VAR »
Le tirage de maillot de Bernat dans la surface avant la frappe de Clauss ?
_ « l’avantage profite à Murphy »
L’égalisation de Cavani au Vélodrome à la 92e sur coup-franc ?
_ « Une variante de Murphy » n’en démordait pas le vieil homme.

Je sentais que l’homme en avait gros lui aussi, ses réponses sarcastiques trouvaient un écho en moi. Je décidais de creuser…

« Mais alors, si tout cela n’est que malchance, comment expliquer qu’elle soit toujours contre nous, et pas contre le club qu’on affronte 2 fois par an ? », pensais-je le mettre en défaut.

Et là, il me tint ces paroles qui résonnent encore en moi, à l’heure où j’écris ces quelques mots :

« Les riches se débrouilleront toujours pour écarter le hasard, dans notre monde, même la chance a un prix ! Pourquoi dit-on alors que le hasard fait bien les choses ? C’est qu’il y’a bien quelqu’un derrière ! »

C’était enfin limpide…
La lumière s’éclairait, ma rage s’estompait doucement.
J’arrivais enfin à relativiser.

Dans un monde dirigé par l’argent et la cupidité, où la loi du plus riche s’oppose toujours à celle du moins riche, Murphy était devenu l’excuse du riche. La recrue sans doute la plus chère, la moins médiatisée et pourtant la plus omniprésente, la plus toxique du monde du foot.

Murphy était nulle part et partout à la fois. Murphy avait remporté la candidature à l’organisation de la Coupe du Monde 2022, sans doute par hasard. Murphy faussait le championnat depuis 10 ans. Il était inculpé dans un nombre incalculable d’affaires juridiques.

En somme, Murphy c’était le foot qu’on aimait pas, celui de la domination de l’argent sur la passion, de Goliath sur David, de l’initié sur l’innocent, du coupable sur la victime, du mensonge sur la vérité.

Murphy c’était le vice, le fourbe. Murphy c’était les bots sur les réseaux, celui à qui on répond « sorry for this terrible arbitrage » un soir de coupe. Celui qui a le droit de dire « wesh touche moi pas » à l’homme en noir sans craindre d’être sanctionné. Celui qui peut acheter les meilleurs joueurs de la planète à n’importe quel prix, car le Fair Play financier ne s’adresse pas à lui, mais aux autres.

Quand les erreurs vont toujours dans le même sens, c’est qu’il n’y a pas de hasard n’est-ce pas ?

Murphy, c’était en somme la frontière qui séparait le hasard du certain. Une frontière si fine que seule une poignée d’hommes auraient le courage de la dénoncer. Une frontière si fine que pour la majorité, il est plus rassurant de se dire qu’elle vit dans un monde régi par les coïncidences, sans penser qu’il s’agit en réalité de la loi… du plus fort.

Alors au prochain Classico, amis olympiens, rappelez-vous d’une chose : le hasard fait bien les choses !

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