Footmarseille : Vous êtes un enfant du pays, et après avoir joué à l’OM lors de la saison 1971-1972, vous en devenez l’entraîneur à l’été 1997. Qu’avez-vous ressenti à ce moment-là ?
Rolland Courbis : Ma mère était très inquiète de mon retour à Marseille, surtout en venant de Bordeaux. Personnellement, je voulais parvenir à démontrer que l’on pouvait être né à Marseille et y réussir : » nul n’est prophète en son pays « , ce n’est pas une obligation que ce proverbe fonctionne. Le fait d’avoir servi de monnaie d’échange dans le transfert de Marius Trésor en provenance d’Ajaccio ne m’a pas vexé à l’époque. Revenir en tant qu’entraîneur était dans un coin de ma tête si l’occasion se présentait.
FM : Lors de votre arrivée, un gros recrutement est effectué (Blanc, Dugarry, Ravanelli notamment) avec pas moins de 14 recrues. C’était indispensable pour remettre l’OM sur le devant de la scène après une saison terminée à la 11ème place l’année précédente ?
RC : Indispensable, je ne sais pas, mais nécessaire oui. Pour pouvoir lutter pour le podium, il fallait renforcer l’équipe et c’est ce que nous avions fait.
FM : Vous commencez d’ailleurs très bien en étant leader après 16 journées, puis l’équipe cale lors de la deuxième moitié de saison avec notamment une victoire sur les 8 derniers matchs, et finit 4ème. Qu’est-ce qui explique cette crise de résultats ?
RC : Le pénalty de Ravanelli. Nous étions déjà en course pour être champion et il y a ce fameux pénalty où Fabrizio Ravanelli exagère la faute de Rabesandratana face au PSG. On gagne 2-1, mais on est seulement au mois de novembre. Il reste six mois et pendant ces six mois, alors que nous avions une équipe qui était souvent dans la surface adverse, on n’obtient plus un seul pénalty. Pour moi, les six pénaltys non sifflés nous auraient rapporté 4 ou 5 points supplémentaires a minima. J’ai également des regrets sur un match perdu à Metz 3-2, où j’ai un accrochage avec Laurent Blanc parce qu’il me prévient le matin même qu’il ne sera pas disponible. L’un dans l’autre fait qu’on aurait pu espérer mieux. Je l’ai toujours en travers de la gorge.
FM : Vous disiez également que les travaux de rénovation du stade Vélodrome n’étaient pas vraiment à votre goût non plus à l’époque.
RC : On joue dans un stade Vélodrome en reconstruction, amputé d’un virage, puis de l’autre, et une fois que le stade est terminé, je vois les quatre coins ouverts. Je voulais le renommer « l’enrhumeur ». Ce stade, il a été fait simplement pour avoir l’honneur d’y jouer une demi-finale de Coupe du Monde. Tout ça, pour un match. On va dire que je trouve encore des excuses, mais je suis persuadé que ça aussi, ça nous a fait perdre des points.
FM : Le mercato suivant la saison 97/98 est une nouvelle fois très mouvementé. Pourquoi un tel turnover ? Par exemple, le recrutement de Porato avait interrogé alors que Kopke était en place.
RC : Il faut faire la différence entre recruter et se renforcer. Lors de cette intersaison, l’arrivée de Robert Pirès, par exemple, est un renfort. Concernant Porato et Kokpe, c’est une question de profil de gardiens. Déjà à cette époque, il était important d’avoir un bon jeu au pied, ce qui était le cas de Porato. Parallèlement, le profil de Kopke ne me plaisait pas, c’est une question de goût, je l’assume. Il ne bloquait pratiquement aucun ballon. Qu’un gardien puisse boxer sur un centre, pourquoi pas, mais pas systématiquement. Lui, je l’avais surnommé le super-welter (catégorie concernant les boxeurs pesant entre 66,678 kg et 69,853 kg ndlr). Porato m’avait fait une saison avec des hauts et des bas, il avait des soucis familiaux. Il avait des problèmes avec sa femme, en avait rencontré une autre, c’est quelque chose qui peut perturber et ça avait été le cas.
FM : En début de saison, il y a cette rencontre inoubliable face à Montpellier (0-4 à la mi-temps, puis 5-4), pensez-vous que ce match a été un déclic pour la suite ?
RC : Pas spécialement. À la mi-temps, on s’est fixé comme objectif de remporter la seconde période. En cas de défaite, on aurait dit que les 45 premières minutes étaient un accident et qu’avec l’effectif qu’on avait, il restait suffisamment de matchs pour être champion de France. Après, sans être un déclic, ça a donné de la confiance au groupe, oui, probablement.
FM : En parallèle, il y a cette campagne en coupe de l’UEFA. Était-ce un objectif clairement affiché en début de saison ou l’appétit est venu en mangeant ? On sait que vous n’êtes pas un grand fan de la C3.
RC : Quand on s’appelle l’Olympique de Marseille, on se dit qu’on va aller le plus loin possible et quand on élimine le Celta Vigo en quart de finale, évidemment qu’on se dit pourquoi pas nous.
FM : Après avoir éliminé le Celta Vigo, puis Bologne, vous affrontez la grande équipe de Parme, privés de cinq titulaires. Quel était le plan de jeu pour cette finale ?
RC : Quand on lit la composition de Parme, entre les bons joueurs et l’efficacité des seringues, ça faisait beaucoup pour nous. Chiesa, Crespo, Veron, Boghossian, Thuram, Buffon, ça me file encore des frissons. On se demandait comment les battre. Malheureusement, comme vous l’avez dit, on se présente en finale sans Gallas, Luccin, Roy, Dugarry et Ravanelli, tous titulaires. Avec ces joueurs, je ne dis pas qu’on aurait gagné, mais il y aurait pu au moins y avoir explication. Là, il n’y en a pas eu. L’objectif était de mettre une équipe solide, mais qui pouvait se montrer dangereuse si des opportunités se présentaient. Jouer le 0-0 était impossible donc le plan était d’avoir toute la largeur derrière en jouant à trois axiaux et deux latéraux en plus de Pierre Issa devant la défense. Cela n’a pas fonctionné.