Rachat de l’OM : l’héritage Louis-Dreyfus

Humblement, Margarita Louis-Dreyfus a indiqué qu’elle expliquerait les erreurs commises à Frank McCourt, lors de la conférence de presse de présentation de l’Américain, à la mairie. La patronne olympienne joue les modestes mais sait de quoi elle parle. Car depuis leur arrivée sur le Vieux-Port, les LD ont expérimenté une bonne partie des erreurs à ne pas commettre à Marseille.

Margarita et Vincent

L’annonce de la vente n’a pas ramené le public au Stade Vélodrome. Est-ce le contrecoup du ras-le-bol cumulé depuis vingt ans ? On peut aussi imaginer que les fans ont du mal à y croire. Pour ceux qui n’ont connu qu’un propriétaire, l’arrivée de nouveaux dirigeants a toujours été accompagnée de belles promesses, qui ne se sont pour ainsi dire jamais concrétisées. Les supporters attendent du concret avant de faire place à l’espoir. Autant le dire franchement, les dernières saisons ont été éprouvantes et les deuils de certains départs, trop douloureux, ne sont pas faits. Alors, s’il vous plaît, Messieurs Eyraud et McCourt, ne commettez pas les mêmes erreurs (liste non exhaustive)…

Le choix des hommes est primordial

Jusque-là, le futur propriétaire et Jacques-Henri Eyraud, son bras droit, ont tenu un discours cohérent et lucide. Ils n’ont a priori pas commis de bévues, à la fois dans leur communication et dans leur raisonnement. Ils ne paraissent pas arriver avec la prétention d’une science infuse et cela contraste avec certains de leurs prédécesseurs, dont l’arrogance avait transpiré dès les premières paroles. C’est un bon point, car le meilleur moyen de se planter reste de débarquer en s’imaginant être meilleur que les autres.

De surcroît, Jacques-Henri Eyraud, PDG de Paris-Turf et futur président, semble être un vrai fondu de l’OM, depuis les années Tapie. On peut donc imaginer qu’il ait idée des difficultés auxquelles ont été confrontés certains décisionnaires, sous la période LD. C’est un élément important, puisque dans l’univers exacerbé olympien, chaque erreur se paye au prix fort et peut avoir des répercussions sur plusieurs années. Preuve en sont toutes les casseroles qui résultent du passage des dirigeants précédents.

Eyraud et McCourt

Concrètement, il sera essentiel de se préserver de l’ego des carriéristes, qui sont trop focalisés sur le court terme pour privilégier le développement du club. Il est également important d’éviter les conflits internes : RLD avait notamment le chic pour associer des hommes incompatibles, tels Courbis-Marchand ou Tapie-Dubiton. Cela a coûté très cher au club (au sens figuré, comme au propre). Enfin, l’intégrité est essentielle, afin de ne pas de nouveau se retrouver empêtré dans des affaires, ou devoir composer avec un panier percé.

Recrutement : se servir de ce qui a marché

Bien que les années LD n’aient pas rempli la vitrine des trophées, il y a toujours des éléments positifs à tirer de l’expérience des différents présidents. Aussi minime soit-il, le travail réalisé n’est plus à faire. Quant aux leçons, il advient un jour où elles peuvent nous servir. Eyraud et McCourt, prévoyants, travaillent déjà sur les futurs contours de l’équipe olympienne. Avant eux les mercatos étaient rarement anticipés, et nombreux sont ceux qui s’y sont cassés les dents.

L’histoire nous a en particulier indiqué que les marchés des transferts trop « agités » (tels les été 2015 et 2016) ont constitué des handicaps importants. La mise en place d’un collectif et la création des automatismes nécessitent beaucoup de temps. Or les points perdus en début de championnat sont rarement rattrapés. Il est également important que les nouvelles recrues soient en mesure d’appréhender la pression locale. Enfin, le départ des cadres peut avoir de terribles répercussions et doit toujours être soupesé.

Par exemple, en 1999, aidé par Yves Marchand, Rolland Courbis avait sous-estimé l’influence de Laurent Blanc, surnommé le Président dans le vestiaire. Son remplacement par Eduardo Berrizzo, en fin de mercato, partait d’une bonne intention mais s’était révélé catastrophique. L’ancien entraîneur marseillais s’était également planté en confiant quelques-unes des clés de son équipe à Peter Luccin et Stéphane Dalmat, deux minots trop tendres pour le contexte marseillais.

Christophe Bouchet avait quant à lui payé très cher le renouvellement quasi complet de son équipe, après le départ de Didier Drogba, lors de l’été 2004. Comme Vincent Labrune un peu plus tard, il s’était figuré que l’addition de talents suffisait à constituer une équipe compétitive. Or, en privant le groupe de son élément moteur, il avait coupé ses ailes et annihilé sa dynamique. Les arrivées s’étaient aussi révélées trop nombreuses, et plusieurs joueurs n’étaient pas parvenus à s’intégrer.

Le pompon de la pire politique de recrutement revient certainement à VLB, qui bénéficiait pourtant de la chance de ne pas partir du néant. L’ancien président disposait de réseaux intéressants, on a pu le constater lorsqu’il a trouvé une destination à certains bides. Pour autant, sa politique misant sur les jeunes et les plus-values, sa gestion des fins de contrat, son recrutement basé sur les prêts de remplaçants et son déni de la spécificité locale (qui nécessite des joueurs « compatibles »), a conduit le club dans les basses sphères de la L1.

Labrune manquait d’expérience et de « culture foot ». Au regard de certains sourires lâchés lors de soirs de défaite, on peut aussi s’interroger sur l’amour qu’il portait au club. Il symbolise en tout cas parfaitement le modèle du président trop sûr de lui, ignorant les avertissements et fonçant tête baissée dans le mur.

Bouchet et Labrune

À Marseille, davantage qu’ailleurs, le temps manque et les résultats doivent être immédiat. Il s’agit donc de limiter les risques en respectant quelques règles et en se montrant prévoyant. Pour éviter une nouvelle saison de transition liée à l’adaptation d’un trop grand nombre de nouveaux, Jacques-Henri Eyraud ne devra pas arriver avec l’idée de tout chambouler immédiatement. Il devra procéder étape par étape et reconstruire autour d’un noyau de joueurs choisi dans le groupe de Franck Passi. Quelques recrues hivernales pourraient permettre de faire gagner du temps, l’été prochain.

Enfin, patience est mère de toutes les vertus. S’il est vraisemblable que McCourt et Eyraud ne tarderont pas à mettre en place leurs hommes, il faudra ensuite leur laisser un délai pour développer leurs méthodes et leurs idées. Un changement d’entraîneur précipité est rarement un gage de bons résultats et de saison réussie. En ce moment, les nouveaux propriétaires de Valence et de l’Inter Milan indiquent le chemin qu’il ne faut pas prendre.

Recettes : la Ligue des Champions, mais pas seulement

Au contraire de ce qui se passe au PSG, l’investissement de Frank McCourt sera limité dans le temps. L’Américain ne dispose effectivement pas d’une trésorerie incommensurable et l’OM devra, d’ici quelques saisons, parvenir à s’autofinancer. Les premiers exercices seront donc décisifs à la réussite de son projet. Il faudra faire mieux que Manchester City, qui a dû attendre trois saisons avant de participer à la C1, après le rachat par un fonds d’investissements d’Abu-Dhabi.

L’objectif est de s’assurer rapidement une participation régulière à la Ligue des Champions, et donc de finir, au plus bas, à la seconde place du classement de Ligue 1. La C1 est nécessaire pour le développement de l’image du club, en particulier à l’international, et donc des autres recettes. Pour rappel, les droits TV (français) de la compétition ont augmenté, ces dernières saisons, sous l’impulsion de beIN Sports. Cela aide à compenser la fatigue qu’elle engendre.

Durant l’ère LD, plusieurs sources de revenus donnent le sentiment de n’avoir jamais été optimisées. Par exemple, l’équipementier « historique » Adidas n’a pour ainsi dire jamais été soumis à la concurrence. Quant au sponsoring, il a parfois été attribué a des entreprises liées, de près ou de loin, à la famille du propriétaire. Le préjudice est visible lorsqu’on compare les entrées d’argent de l’OL, qui jouit pourtant d’une popularité moins importante, à celles de l’OM.

Lors du procès de 2007, Robert Louis-Dreyfus s’était fendu d’une intervention étonnante : « Mon intérêt pour l’OM aurait été qu’Adidas paye le plus gros contrat possible au club. Cela aurait été un vrai abus de biens sociaux. Or, à l’époque, il était de 8 millions de francs par an. Et aujourd’hui, ce montant est de l’ordre de 5 millions d’euros. (…) Pour l’actuel sponsor maillot Neuf Telecom, c’est la même chose. Le montant payé est de moitié inférieur environ à celui des sponsors de Lyon et du Paris SG. Et l’OM a au moins la même notoriété », avait-il expliqué au juge…

Robert Louis-Dreyfus

Frank McCourt a certainement bien des défauts, comme tout un chacun. Il dispose néanmoins d’une solide expérience. Il est probable qu’il apportera un savoir-faire non négligeable permettant de faire progresser les méthodes de travail, le sponsoring, le merchandising, ou encore le succès de la billetterie. S’il a réellement pris plusieurs mois pour étudier la situation du club, le clan de l’Américain a conscience que le chantier est vaste et qu’il nécessite de la pertinence et des hommes compétents.

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