Le 18 octobre dernier, Margarita Louis-Dreyfus a passé la main à Frank McCourt et mis un terme à vingt années chaotiques, durant lesquelles le club a pris un retard assez considérable sur ses concurrents, notamment étrangers. Il s’est depuis sérieusement structuré, dans tous les secteurs, et affiche des ambitions qu’on ne lui avait plus connues depuis les effets d’annonce liés au projet du « Bayern du Sud ». Il a aussi opéré une remontée intéressante au classement, faisant oublier les commentaires acerbes et moqueurs de l’été dernier : non, cet OM ne lutte pas pour sauver sa tête en Ligue 1. Après ces premiers mois, on trouve donc quelques jolis motifs de satisfaction.
Choix des hommes de confiance : fini la loterie
En vingt ans, les Louis-Dreyfus se sont quasi systématiquement trompés, au moment de choisir leurs hommes de confiance. Pape Diouf constitue l’une des rares exceptions, alors qu’il n’a pas semblé bénéficier de la générosité pécuniaire de l’actionnaire principal, au contraire de ses prédécesseurs et successeurs. De bides sportifs en procès, l’OM a payé très cher les (mauvais) choix de ses propriétaires. Et, pour conclure cette phase de l’histoire olympienne, le mandat de Vincent Labrune s’est montré particulièrement dévastateur. Sous sa conduite, le club est passé des quarts de finale de la Ligue des Champions au ventre mou du classement de Ligue 1, et d’un budget équilibré à des déficits abyssaux.
Pour faire court, Jacques-Henri Eyraud et Andoni Zubizarreta semblent réunir à eux deux plus de compétences que l’ensemble des protagonistes ayant figuré dans l’organigramme, ces vingt dernières années. JHE est inexpérimenté à ce poste (comment ne pas l’être ?), mais il connaît le monde des affaires et démontre une faculté d’adaptation étonnante. Ses décisions sont fortes et argumentées, et il est peu probable qu’il commette deux fois la même erreur. Le second arrive avec un savoir-faire et un réseau qui devraient changer bien des choses dans l’avenir phocéen. Sa simplicité, son humilité et son énorme dévouement contrastent avec ce que l’on avait connu, à la Commanderie, ces dernières saisons.
Un recrutement adapté
Sensibilisés, très tôt, sur l’importance de prendre des footballeurs qu’ils appellent « OM-compatibles », les dirigeants ont réalisé un mercato hivernal convaincant, même s’il manque encore de grinta. Il faut rappeler qu’il est très difficile de persuader les joueurs de quitter leur club, et ce dernier de les laisser partir, à la mi-saison. Dimitri Payet connaît la maison et Patrice Evra, bien que dans le dur physiquement, ne devrait pas éprouver de difficultés à surmonter la pression. Quant à Morgan Sanson, il affiche un niveau tout à fait exceptionnel et semble imperméable au contexte. Enfin, Grégory Sertic, choix de Rudi Garcia, dispose d’un très bon état d’esprit et devrait rendre bien des services. Dans un effectif, il faut évidemment pouvoir compter sur des « joueurs de club ».
On sent également que les décideurs phocéens sont attentifs à l’éthique et à l’exemplarité que renvoient les acteurs marseillais. Outre la faculté à afficher de l’altruisme et s’intégrer dans le groupe, les hommes de Rudi Garcia semblent faire preuve d’une hygiène de vie en adéquation avec leur métier. N’en déplaise à Souleymane Diawara, le corps du sportif est son outil de travail. Il s’agit bien d’en prendre soin, sous peine de cumuler les pépins physiques ou de ne pas pouvoir confirmer son potentiel. Si Benjamin Mendy l’a compris, d’autres peuvent le faire. On ne doute pas que Patrice Evra et Bafétimbi Gomis sensibilisent leurs partenaires sur ces points.
Une communication cohérente
Des groupes de supporters aux médias, en passant par les détenteurs de loges, la mairie ou les clubs amateurs, les dirigeants marseillais ont le mérite d’essayer de nouer des relations avec chaque composante de la planète OM. JHE aura bien sûr à prendre des décisions qui ne plairont pas à tout le monde et se fera fatalement quelques « ennemis ». Mais il a le mérite d’être à l’écoute. Après des petites approximations, il semble aussi avoir pris conscience des limites de son budget, lequel nécessitera de faire peu d’erreurs pour côtoyer à nouveau les sommets européens.
Enfin, Frank McCourt laisse du temps au temps, ce qui enlève une belle épine du pied des joueurs, de Rudi Garcia et des dirigeants. Cet OM ne met pas la charrue avant les boeufs et les investissements sont réalisés dans le but de faire grandir le club, et non pour obtenir des résultats immédiats. Avant même d’arriver, l’Américain et ses conseillers avaient pris conscience que les recettes n’étaient pas optimisées. Le changement d’équipementier et la décision de ne pas reprendre de sponsor (en fin de saison) démontrent une chose : l’OM ne se bradera plus. A moyen-long terme, l’objectif est de faire croître de façon considérable les recettes liées à l’image et d’assurer une certaine auto-suffisance. L’investissement de départ doit permettre au club le plus populaire de France de revenir sur le devant de la scène, et d’en profiter pour générer des revenus.
Méfi : le plus difficile reste à faire
La solidité des fondations coulées par les dirigeants ne manquera pas d’être éprouvée. L’histoire olympienne est jalonnée de périodes de crises et d’accalmie. Il existe encore de nombreux challenges à relever, et notamment quelques barrières à enfoncer pour permettre au club de se développer. Les adversaires les plus rudes ne se situent pas obligatoirement à l’extérieur de la « sphère OM ». Il faudra par exemple négocier avec la mairie, concernant le loyer de ce stade Vélodrome au financement faramineux : combien de salaires devront être économisés pour permettre à certains de garder la face ? Il sera aussi intéressant de voir comment se comporte l’association, dont la fidélité a parfois été discutable. On constate enfin que certains groupes de supporters se montrent plus défiants et critiques qu’ils ne l’avaient été avec les directions précédentes. Quelle en est la raison ?
En étudiant l’ère Louis-Dreyfus, on ne met pas longtemps à se rendre compte que les intérêts personnels sont souvent passés avant ceux du club. Certaines fonctions ont également fait perdre pied avec la réalité à pas mal de monde. Il suffit de prêter attention à certaines déclarations d’anciens pour s’en rendre compte. Enfin, Rudi Garcia, Jacques-Henri Eyraud et Andoni Zubizarreta doivent se faire à l’idée que chacune de leurs décisions sera analysée, discutée, critiquée (comme peut l’être cet article). Il ne s’agit pas de s’en formaliser : le débat a ceci de bien qu’il peut, sous réserve de jouer le jeu, ouvrir la porte à de nouvelles idées.
L’essentiel du travail est invisible : il consiste à relancer un club qui a perdu de son lustre d’antan et qui accuse de gros retards en termes de fonctionnement. Si certains observateurs s’empressent de tirer des conclusions des résultats de cette seconde partie de saison, il ne faut pas oublier l’essentiel : le véritable objectif de cette saison est de préparer la prochaine. Quand tu ne sais pas ou tu vas, regarde d’où tu viens : ce cauchemar-là est bien fini…