Incidents : les ultras vont-ils dans le mur ?

Ces dernières semaines, les débordements des supporters marseillais ont été nombreux, et le contraste est saisissant avec le calme qui régnait durant la majorité de l’ère Louis-Dreyfus. Le contenu des négociations n’a pas été étalé dans les journaux, mais il fait peu de doute que la fracture entre certains responsables des associations de supporters et les dirigeants de l’OM est importante. Les ultras n’ont-ils pas tout à y perdre ?

Evra

Des supporters intenables

Les accrochages se sont multipliés, lors des derniers matchs. Avant OM-PSG, des altercations ont eu lieu entre des excités (dont on ne sait pas s’ils appartenaient à des groupes) et les forces de l’ordre. Elles ont largement été médiatisées à l’étranger. La vidéo de l’incident de Guimarães, qui a opposé Patrice Evra et certains « pseudo-supporters » qui l’insultaient, a aussi fait le tour du monde. Enfin, une partie du parcage a tenté d’envahir la pelouse et d’aller en découdre avec les Bordelais, après le match nul de dimanche (1-1), donnant encore une piètre image du club. D’autres incidents ont eu lieu à Monaco, à Strasbourg, ou avec Bafétimbi Gomis, à la Commanderie, en fin de saison passée.

Ces débordements sont d’autant plus frustrants qu’ils ne sont pas liés aux résultats de l’équipe de Rudi Garcia, puisque cette dernière reste sur une série avec 8 rencontres sans défaite en Ligue 1, et a atteint ses objectifs, lors de l’exercice précédent.

À court d’arguments pour les défendre

Quoiqu’elles en pensent, et bien que certaines n’aient pas été mêlées aux événements en question, les associations de supporters sont sorties affaiblies de la guerre José Anigo-Didier Deschamps, au début des années 2010. Cette expérience tend d’ailleurs à rendre méfiant face aux rôles surjoués par certains chefs de groupes : les uns se disent déçus des investissements de Frank McCourt (alors qu’ils ne bronchaient pas avec RLD), les autres assurent qu’ils n’ont plus suffisamment de poigne pour contenir leurs adhérents.

Le hic, c’est que passé un certain âge, il devient difficile de chercher des arguments pour justifier les bagarres avec les flics ou les supporters adverses. Il est également compliqué d’expliquer les insultes proférées à l’encontre d’un joueur portant le maillot de l’OM. Enfin, s’il a eu le mérite de recadrer Pierre Ménès,
suite à ses propos aberrants rapportant des insultes racistes inexistantes sur Patrice Evra, le communiqué nébuleux publié après le fameux coup de pied reprend la stratégie classique de défense des ultras : elle est basée sur la victimisation, à coup de grands mots tels que « censure », « répression abusive », « liberté d’expression bafouée », ou encore « interventionnisme », et perd tout son sens, dans ce cas de figure, avec ce déchaînement de violence et d’intolérance. C’est d’autant plus regrettable que le groupe des fanatics est l’un de ceux qui mettent le plus d’ambiance au Vélodrome.

Un coup de pression à peine voilé ?

La situation actuelle n’est pas sans rappeler celle qu’avait connue Jean-Michel Roussier, à la fin des années 1990. Ce dernier avait été sacrifié par Robert Louis-Dreyfus, sur l’autel d’une conciliation avec les groupes. Un certain Michel Tonini, le même qui a osé amener l’OM devant les tribunaux, il y a quelques mois, s’était exprimé dans L’Humanité : « Si Roussier était encore là en juillet, la réaction des supporters serait terrible : on montrerait que, sans nous, l’OM n’est plus rien ! » Un autre ultra, resté anonyme et très sûr de lui, en avait rajouté dans les colonnes de Libération : « Roussier voulait récupérer nos listings. Mais qui il est, lui ? Sous la menace de ne pas nous donner les cartes d’abonnement, on a vidé les deux virages ! On n’est pas là pour se faire emmerder par notre propre président ! »

En sommes-nous encore au même point ? La question mérite d’être posée, alors que certains chefs de groupe ne semblent pas avoir digéré le changement de mode de commercialisation des abonnements, voire l’impossibilité de vendre les places des virages à l’unité. On peut aussi se demander s’ils apprécient le zèle de Thierry Aldebert, l’impressionnant nouveau responsable de la sécurité.

Le rapport de forces s’est inversé

Ce qui était vrai sous les années Louis-Dreyfus ne l’est plus, depuis le rachat du club par Frank McCourt. Il semble y avoir un gros décalage entre la pensée de certains supporters des virages (« l’OM, c’est nous », a-t-on par exemple pu lire, Ndlr) et la réalité perçue par l’Américain et son bras droit, Jacques-Henri Eyraud. Car si les groupes des virages assurent la merveilleuse ambiance du Vélodrome, depuis quelques décennies, il est évident que le club survivra à leur disparition.

Les responsables des associations sont loin d’être en position de force. Il serait naïf de penser qu’ils sont plus importants que l’institution OM, au-dessus des lois ou en mesure d’imposer leur volonté aux décideurs marseillais. Chaque incident est une balle tirée dans leur pied, car il est peu probable que la Ligue, les préfets et le ministre leur fassent des cadeaux. Ils risquent une interdiction de déplacement (ou de stade pour les identifiés), un huis clos partiel, voire même une dissolution. Espérons qu’ils changent d’attitude et s’adaptent, avant d’en arriver là…

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