La vocation ratée de certains journalistes
Avec l’OM, la presse a souvent fait d’une souris un éléphant. Le moindre événement peut prendre une tournure théâtrale, la moindre affaire revêt des allures de polar. Les débordements ont parfois été propres à la ville, méditerranéenne et haute en couleur. Et d’autre fois, ils n’ont résulté que du travail d’imagination d’hommes de presse. Selon qu’il se situe à Marseille, Paris ou Lyon, un cambriolage peut par exemple activer le mode « Jean-Claude Izzo » de quelques correspondants.
Mais loin de moi l’idée de faire des généralités. Ce texte n’est pas une litanie contre la sphère des médias, mais bien une mise en garde face à l’attitude d’une poignée de morts de faim. Dans son édition de mardi, La Provence donne de brillantes pistes pour expliquer le manque de réalisme des attaquants phocéens. Elle s’interroge sur la qualité des centreurs marseillais et Jean-Christophe Marquet fait remarquer le déchet de certains joueurs. Elle ne focalise pas son attention sur un élément en particulier : un régal à lire et un exemple à suivre !
Auto-enflammade sur l’attaquant
Mais tous n’affichent pas la même volonté de parler tactique, technique et donc football. Pour Kostas Mitroglou, RMC a révélé sa tonalité, en septembre dernier. Elle a publié l’exclusivité d’un prétendu pépin physique dissimulé, lors de son transfert : l’OM se serait fait berner, sa « super star du mercato » serait indisponible pour une plus longue période. Manque de pot pour la radio, l’attaquant a fait ses débuts la semaine suivante. Et, s’il n’est pas encore dit que le club marseillais ne se soit pas fait avoir, il est trop tôt pour être formel.
En février 2017, dans la confusion des idées, Mohamed Bouhafsi a allumé la première mèche : « Un joueur fort qui pourrait être le porte-drapeau du projet olympien, la star de Frank McCourt. Un gros numéro neuf à 40 ou 50 millions d’euros », a-t-il publié sur Twitter. Certains journalistes voyaient en Kostas le fameux « grantatakan », l’idole (des jeunes) représentative des ambitions de Frank McCourt. Le natif de Kavala devait être la réponse de l’Américain au Zlatan Ibrahimovic des Qatariens du PSG. Il devait empiler les buts comme des perles, faire « sept pieds de haut » et « des boules de feu seraient projetées de son… » (enfin vous m’avez compris). La réalité a mis plusieurs mois à sortir : les dirigeants olympiens ne disposent pas des mêmes moyens que leurs homologues de la capitale : la star olympienne restera le collectif !
Mitroglou marque plus que Dugarry
Christophe Dugarry est certainement le détracteur le plus virulent de l’international grec. En début de saison, il affirmait préférer le projet lillois à celui de l’OM. Et il voyait chez Mitroglou un mélange « entre Brandao et Ravanelli ». C’est peu de dire qu’il change d’avis comme de chemise. L’ancien attaquant des Bleus fracasse désormais quotidiennement l’ancien Lisboète. Et ses paroles sont d’une violence rare.
Ce qu’il est savoureux de rappeler, c’est que Christophe Dugarry a été recruté par l’OM en échange de 4,7 millions d’euros, le 30 décembre 1997. Une belle somme pour l’époque. Surnommé « Dugâchis », il n’a inscrit qu’1 but en 9 matchs, lors de sa première demi-saison (Mitroglou, c’est 2 buts en 9 rencontres de L1, NDLR). Il jouait parfois sur le côté, mais sa sélection pour le Mondial, en fin d’exercice, a créé une terrible polémique (« l’ami de Zidane »). Il a ainsi été victime d’un vif acharnement, des semaines durant. Il n’en reste pas moins que Duga a fini par s’adapter à Marseille. Et s’il a manqué sa sortie, suite à une altercation avec des supporters, on garde quelques bons souvenirs de son passage. Le champion du Monde paraît avoir oublié cette période : il est à son tour devenu l’un des critiqueurs compulsifs du ballon rond hexagonal.
Le marché des transferts a explosé
Michel Tonini se plaignait d’un « Ligue Europa Project », mais l’OM est bien le huitième club européen à avoir le plus dépensé, l’été dernier (balance de -59,25 millions d’euros sur le mercato, NDLR). Sous l’impulsion de la Premier League, du PSG et de quelques gros clubs, les tarifs ont littéralement bondi, ces dernières saisons. Le transfert de Kostas Mitroglou à l’OM (15 millions d’euros) représente la 90e transaction la plus élevée, lors de l’été 2017, selon Transfermarkt. Quand bien même on doublerait sa valeur, en vertu des 50 % que conserve Benfica pour la revente, il n’intégrerait pas le Top 20 (et les tarifs sont d’autant plus fous lorsqu’il s’agit des avants-centres).
On peut en déduire que l’OM n’a pas recruté LE crack de la décennie. Mitroglou n’est pas un Neymar, capable de faire la différence à tout moment. Il est le joueur choisi par des dirigeants pour répondre aux besoins d’un effectif. Depuis le début de sa carrière, il a inscrit 195 buts en 452 matchs professionnels, ce qui témoigne d’un certain talent. Son football aura d’autant plus de chance de s’exprimer si on lui laisse du temps pour connaître ses partenaires et (re)prendre confiance. Il sera meilleur si on lui permet de travailler dans la sérénité, en lui épargnant une pression inutile.
Ne pas le condamner trop vite !
On constate, encore une fois, que certains médias donnent naissance aux intimidations qui tendent à faire déjouer nos joueurs. La popularité de l’OM explique certainement qu’ils s’intéressent à Mitroglou, plutôt qu’à Keita Baldé (22 ans, 30 millions d’euros), Youri Tielemans (Monaco, 22 millions d’euros), Terence Kongolo (Monaco, 15 millions d’euros), Thiago Maia (Lille, 14 millions d’euros), ou même Stevan Jovetic (Monaco, 11 millions d’euros). Néanmoins, quand quelques reporters ou chroniqueurs se figurent que leur job consiste à allumer des polémiques, on se situe très loin de la déontologie du journaliste.
Oui, ce texte est un coup de gueule personnel contre ceux qui se creusent la tête pour créer de la tension à l’OM. Ils pourraient plutôt plancher sur la tactique et l’animation d’une équipe qui tourne assez bien. Bien sûr que Mitroglou doit faire mieux. Il doit se montrer plus efficace et faire l’effort de s’intégrer, en apprenant la langue et en développant les automatismes avec ses partenaires. Mais la réflexion et le bon sens ne le condamneraient pas, si vite, à l’échafaud !
D’accord, pas d’accord ? Le débat est ouvert !