Exclu FM, Ecker : « Drogba arrive sur la pointe des pieds, la star, c’était Mido »

Deuxième partie de notre entretien avec Johnny Ecker. L’ancien défenseur olympien nous fait le récit de la fin de l’aventure européenne de la saison 2003-2004 et s’est remémoré sur les premiers pas de Didier Drogba à l’OM.

Johnny Ecker

Foot Marseille : Pour revenir à cette campagne européenne, entre Barthez, Van Buyten, Drogba ou encore Battles et Meriem, il y avait tout de même une sacrée équipe cette année-là. Mais en effet, vous l’avez payé en championnat.

JE : Effectivement, il y avait de sacrés joueurs. Après, il y avait certainement de meilleures équipes que nous et je pense que notre banc n’était peut-être pas assez fourni, c’est ce qui nous a fait un peu défaut en championnat et on a un peu craqué.

FM : Didier Drogba, parlons-en. Il a marqué l’histoire du club en ne disputant qu’une seule saison.

JE : On avait un joueur exceptionnel, mais surtout un homme exceptionnel. Didier est arrivé sur la pointe des pieds, dans une période difficile et en surpoids. La vraie star qui arrivait à ce moment-là, c’était Mido. Drogba n’était pas prêt mentalement, il commence à lâcher à l’entraînement et le groupe le récupère. On essaye de le pousser parce qu’on était assez soudés. Didier était une bête de travail, ce que n’était pas Mido. L’Égyptien était jeune, grande star dans son pays, il était jeune il faisait des conneries, il sortait beaucoup et n’a surtout pas accepté que Drogba devienne la star de l’OM. Certes il n’a fait qu’une saison, mais quelle saison ! Ensuite il part à Chelsea, c’est quelque chose qu’il ne peut pas refuser et je peux le comprendre, mais il est très attaché à l’OM.

FM : Il signe d’ailleurs le but de la victoire à l’aller contre l’Inter et un doublé lors du match retour contre Newcastle en demie. Ces deux matchs, notamment celui face aux Magpies, étaient l’une des plus belles ambiances de l’histoire du Vélodrome. Comment l’avez-vous vécu ?

JE : Newcastle, c’était impressionnant, on avait l’impression que tout allait s’écrouler. Une ambiance… j’en ai encore des frissons. C’est quelque chose d’exceptionnel et c’est un peu ce qu’on a vu lors du match face au PSG en Coupe de France.

FM : Dans de telles ambiances, l’OM est capable de renverse des montagnes. À quel point cela vous porte-t-il quand vous êtes joueur ?

JE : Quand on parle de 12ème homme, ce n’est pas pour rien. Au-delà d’effrayer les adversaires, c’est quelque chose qui te transcende. Tu te dis que tu ne peux pas lâcher. Si tu viens à marquer, c’est exceptionnel.

FM : Même si l’aventure est belle d’un point de vue collectif, on imagine qu’il y a des regrets d’un point de vue personnel d’être resté sur le banc durant la phase finale.

JE : Aucun joueur n’est satisfait d’être remplaçant. Alain Perrin est débarqué et José Anigo le remplace. Je m’entends très bien avec lui, mais c’était un choix d’hommes, il préférait Méïté à moi. Je n’ai jamais remis la faute sur le coach. C’est un des problèmes aujourd’hui, on remet toujours en cause les choix de l’entraîneur, je le vois au niveau amateur. Bien sûr que tu râles, mais je faisais partie de l’aventure, j’étais super heureux. La demi-finale contre Newcastle, je dois rentrer, il reste six minutes. Pendant six minutes, le ballon ne sort pas. Il sort à un moment sur une touche pour Newcastle et ils font la remise en jeu très rapidement. Donc oui, évidemment, il y a de la déception. Aujourd’hui, c’est en effet différent dans le sens où certains joueurs font la gueule s’ils ne rentrent pas. Je pense notamment à Gerson, il joue moins, il demande à partir.

FM : Vient ce 19 mai, jour de finale contre Valence à Göteborg. Après avoir joué dans un Vélodrome volcanique, à Anfield, à Bernabeu, à Meazza et à Saint James Park, c’est dommage de finir dans un stade aussi banal avec une piste d’athlétisme autour, non ?

JE : Un OM-Valence méritait un stade de 80 000 places. Jouer dans un stade de 35-40 000, qui plus est avec cette piste autour, ce n’est pas possible. D’autant plus que les supporters avaient eu des problèmes pour venir, c’était horrible.

FM : Le match en lui-même est plutôt équilibré jusqu’à cette fameuse 45ème minute où deux divins chauves vont faire basculer la rencontre : Fabien Barthez et surtout Pierluigi Collina. Qu’est-ce qu’il se dit dans le vestiaire à la mi-temps ?

JE : La double sanction nous fait très mal et on joue avec un Didier Drogba blessé malheureusement. Ce que l’on mentionne rarement, mais qui était une grosse erreur, et José Anigo l’avait d’ailleurs reconnu, c’est d’avoir sorti Camel Meriem. Au milieu, il était capable de faire la différence. Et puis moralement, on avait pris un coup. Collina nous a fait mal ce jour-là. En face, il y avait aussi une super équipe. Quand on rentre au vestiaire, on ne baisse évidemment pas les bras. On sait qu’un match, ça peut se gagner à 10 et puis on s’appelle l’Olympique de Marseille. On s’est posé, on a réfléchi à notre première mi-temps et on a fait un réaménagement tactique. On se repose, on se remotive et on se dit que tout peut arriver. On n’est pas anéantis, on n’a pas le temps de penser à ça. Après, on ne va pas se retrancher derrière la seule décision de Collina, nous n’avons pas fait la finale qu’il fallait pour gagner.

FM : La saison suivante, José Anigo est remercié au mois de novembre et Philippe Troussier prend sa place. Un entraîneur que vous ne portez pas vraiment dans votre coeur.

JE : C’est un entraîneur que personne ne connaissait, il n’avait eu que la sélection japonaise où, de par la culture, les joueurs sont très disciplinés. Il est arrivé à l’OM en voulant être le tout-puissant, mais il a oublié qu’il avait beaucoup d’internationaux. C’était quelqu’un de très arrogant et j’ai fait partie de ceux qui se sont accrochés avec lui au même titre que Bixente Lizarazu ou Péguy Luyindula. Il a aussi voulu instaurer une manière de défendre… de ma carrière je n’ai jamais vu ça. Son truc, c’était les défenseurs qui reculent. Je n’étais pas dans ces plans donc je ne jouais pas, mais il faut savoir que c’est un entraîneur qui a la particularité de ne prendre aucun défenseur sur le banc, donc j’étais toujours en tribune. C’était ma dernière année et c’était compliqué. Le coup de grâce c’était ce match à Saint-Étienne sous la neige où le coach me dit que je vais être titulaire et finalement, c’est Nakata, qui vient tout juste d’arriver qui débute. Je me retrouve encore en tribune. Le lendemain je suis allé le voir dans son bureau pour lui dire que je ne voulais plus jouer, mais que je ne ferai pas de zèle et que j’irais avec la réserve s’il le fallait. Il a pété un plomb et nous a mis dans un loft avec Hemdani et Vachousek. À ce moment-là, Pape Diouf, un homme exceptionnel, m’a soutenu et a demandé à Troussier de calmer le jeu et on a pu s’entraîner avec le groupe pour le reste de la saison.

FM : Vous quittez le club en fin de saison 2004-2005. Qu’est-ce que vous a apporté ce passage au club ? Cela vous a rendu plus  » méchant  » comme l’avait déclaré Bernard Mendy à quelques jours d’un Clasico ?

JE : L’Équipe m’avait appelé suite à cette déclaration pour essayer de faire monter la sauce. J’avais simplement dit que mon droit de réponse ce serait sur le terrain. Ça m’a juste donné envie d’en mettre une à Mendy et sur un corner, il l’a prise. Au bout de deux minutes de jeu, je prends aussi mon carton jaune parce que je fais un gros tacle sur un joueur. Sans prétention, je réussissais à être intelligent sur les gros tacles parce que je prenais toujours le ballon avec. J’avais un peu les boules que ce mec se permette de dire qu’il me connaissait, que j’étais un agneau à Lille. Dans le Nord, j’étais aussi ‘méchant’ et s’il avait fait la même déclaration quand j’étais au LOSC, il aurait pris la même mandale. J’étais quelqu’un de gentil, mais je pouvais en effet devenir méchant quand on me provoquait.

La première partie de l’entretien avec Johnny Ecker est à lire ici.

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