UEFA : les fumigènes, c’est plus grave que le racisme ?

L’OM a été sanctionné de façon plus qu’exemplaire par l’UEFA, mercredi. La force de frappe de cette dernière, à savoir l’instance de contrôle, d’éthique et de discipline (CEDB), a repoussé sa décision pendant deux mois pour finalement démontrer qu’elle sanctionnait plus gravement les engins pyrotechniques que les comportements racistes. Le club phocéen a été plus sévèrement réprimandé que le Zénith ou le Spartak, dont les fans se sont rendus coupables de cris de singe. Un choix assumé ?

Aleksander Ceferin

Le multirécidiviste qui rend l’UEFA malentendante

La belle épopée olympienne a ravivé la passion du public marseillais. Et certains membres du mouvement ultra ont cru malin d’allumer quelques chandelles, lors des trois derniers tours de la compétition. C’est d’autant plus gênant pour l’OM que le législateur et l’UEFA ont fait de l’interdiction des engins pyrotechniques leur grand cheval de bataille, pour la fin des années 2010. Il y a évidemment eu d’autres incidents, mais sans la flambée de bougies et les explosions des bombes agricoles, il est peu probable que les Olympiens auraient été aussi durement punis.

Par ailleurs, et depuis quelques années, l’UEFA se targue d’une politique « tolérance zéro envers le racisme ». Des joueurs aux clubs, en passant par les supporters et les médias, nombreux sont ceux qui ont appuyé pour relayer son message bienveillant. Mais les dernières décisions interrogent sur la volonté de l’instance de le faire appliquer en toutes circonstances. Est-ce le cas quand il y a un risque de froisser le petit père Vladimir ? Car il est difficile de ne pas voir plus qu’une démonstration, presque un symbole, dans la comparaison des sanctions annoncées contre l’OM (le 25 juillet), institution particulièrement réputée pour les mouvements antifasciste et antiraciste de ses supporters, et contre le Zénith St Petersbourg (confirmées le 18 juillet), club régulièrement condamné pour l’attitude dégénérée et écoeurante de certains de ses fans.

Depuis mercredi soir, le club marseillais tente de digérer une improbable menace d’exclusion des coupes d’Europe qui peut clairement nuire à l’ensemble du projet de Frank McCourt. Il devra aussi jouer à huis clos, puis à huis clos partiel, et s’acquitter d’une amende de 100 000 euros. Il lui a été reproché des troubles du public, des actes de dommages, l’usage d’engins pyrotechniques, le lancer d’objets et, ô bonne mère, c’est très grave, un coup d’envoi retardé. Le Zénith St Pétersbourg, multirécidiviste, a quant à lui écopé d’un match à huis clos et d’une petite amende (qualifiée de « supplémentaire » par l’UEFA) de 50 000 euros pour le comportement raciste (et finalement quasi systématique) de ses fans. Et on ne parle même pas de l’Atalanta, laquelle a été « blanchie » malgré des cris inqualifiables sur Michy Batshuayi. Cherchez l’abominable erreur !

Les ultras doivent aussi se remettre en cause

On ne peut néanmoins pas tout mettre sur le dos d’une instance qui subit des pressions de toute part et qui n’est par exemple capable de faire respecter le fair-play financier que sur certains territoires. De l’épisode Patrice Evra aux incidents de Lyon, certains fans phocéens ont plus qu’outrepassé les limites de leur rôle de supporteur (c’est-à-dire, pour ceux qui ont oublié, de « spectateur qui encourage et soutient son équipe »). La violence et la bêtise auxquelles on assiste parfois en tribunes font froid dans le dos et paraissent très éloignées des revendications de tolérance initiales.

Les groupes de supporters tiennent une place importante dans l’environnement olympien. Les chants, les tifos et la ferveur du Stade Orange Vélodrome ne rendent pas seulement admiratifs Thomas Meunier et Thiago Silva, mais aussi les observateurs du monde entier. Il est toutefois temps d’arrêter les conneries et de prendre d’autres exemples que les Bosteros ou les tifosis italiens génois des années 90. Il en va de l’avenir de notre club, ce qui sous-entend que la totalité des membres des virages aient encore l’intention de privilégier l’OM à leur condition d’ultra.

Dans le stade du boulevard Michelet, comme dans d’autres enceintes françaises, quelques associations donnent l’impression de s’être enfermée dans un rôle de contestataire-défenseur de la liberté d’allumer des feux de Bengale qui est difficile à comprendre. Elles semblent a contrario fermer sur les yeux sur certains écarts inadmissibles de leurs membres. Elles n’ont peut-être pas senti le rapport de force tourner, car, avec ces bêtises, il y a fort à parier qu’elles joueront leur survie (voire celle de leur club), dans les mois et années à venir. Il faut espérer que même les plus obtus sauront se remettre en cause pour éviter que ça ne tourne mal.

L’UEFA doit devenir juste et courageuse

Sur ces dernières semaines, l’UEFA a été à peu près aussi cohérente que les tweets de Jean-Michel Aulas. L’injustice est flagrante et elle va devoir se reprendre pour ne pas provoquer un gros mouvement de protestation, voire se faire bâcher par le TAS tous les quatre matins. L’instance sera également bien inspirée de laisser de côté son rôle politique flou pour faire appliquer une réglementation égalitaire, sans distinction de nationalité et de budget.

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