Exclu FM, Passi : « L’OM, ce n’était que du bonheur »

Joueur, recruteur, superviseur, entraîneur de l’équipe réserve, adjoint puis coach de l’équipe première… Franck Passi a patiemment grimpé toutes les marches, à l’OM. Il a accepté de répondre aux questions de FootMarseille.

Franck Passi, ancien coach de l'OM

Bonjour Franck, et merci de nous accorder cet entretien. Ton histoire avec l’OM débute en 1986. Bernard Tapie venait d’arriver et il y avait déjà pas mal de pointures ! Quel souvenir en gardes-tu ?
J’étais quand même impressionné. J’arrivais d’un club de deuxième division. J’avais fait ma formation du côté de Montpellier. J’arrivais et j’allais me retrouver avec des joueurs qui avaient joué le championnat d’Europe. Je venais de voir, à Marseille, France-Portugal. Et je me retrouvais à l’hôtel avec Alain Giresse, Jean-François Domergue…

Comment se sont passées ces deux saisons ?
C’est un souvenir énorme. J’ai été titulaire dans cette équipe. Alors c’est vrai que j’ai eu des petits pépins physiques, mais j’ai fait une demi-finale de Coupe UEFA. On s’était aussi battu pour le titre, la première année. Ce n’était que du bonheur.

« À l’époque, on arrivait au Vélodrome, le matin… »

Il y avait beaucoup de futurs entraîneurs, dans l’équipe de l’OM (Anigo, Papin, Giresse ou Galtier, Ndlr). As-tu gardé des liens avec tes partenaires de cette époque ?
Oui, Anigo, j’ai travaillé avec pendant cinq ou dix ans. Au début, c’était la cellule de recrutement, ensuite j’étais dans le staff.

Trouves-tu des points communs entre les débuts de Tapie et ceux de McCourt ?
Ce sont deux époques différentes. Tapie, il reprend l’équipe en mai, juste avant la finale. L’année d’après, on joue le titre. On a été premiers, 25 journées sur 38, et on termine second derrière Bordeaux. Les époques sont différentes. L’argent qu’avait Tapie lui permettait d’être dans le top. Aujourd’hui, pour l’instant, Marseille peut juste avoir une place en Champions League.

Tu as rejoint ton frère Gérald à Toulouse, à 22 ans, qu’est-ce qui t’a convaincu de quitter l’OM ?
Ma famille… Je n’étais pas totalement chaud pour quitter l’OM. J’ai eu une pression de ma famille, pendant quelques mois. Je n’ai pas réfléchi, à l’époque, en me disant que je pouvais jouer au football partout.

Au TFC, tu as côtoyé Beto Marcico. Ailleurs, tu as, entre autres, croisé les routes de Scifo, Klinsmann, Djorkaeff, Giresse, Forster, Allofs, Papin… Quel est le plus grand avec qui tu aies joué ?
Ce sont tous des grands joueurs. Ils ont tous fait des Coupes du Monde. Il n’y a pas de plus grand. Au départ, celui qui m’a le plus impressionné, physiquement, c’est Karl-Heinz Forster. En France, on ne faisait pas de musculation, et dans le vestiaire, quand on l’a vu déshabillé, on s’est dit « wow, c’est Robocop ». Il y a des tas des joueurs de très haut niveau, avec lesquels j’ai joué. Ils avaient tous leurs particularités. Je ne vais pas les évaluer les uns par rapport aux autres, mais c’était un plaisir de jouer avec eux.

En 2006, tu as fait ton retour à l’OM. Le club avait beaucoup changé ?
Oui, bien sûr. À l’époque, on arrivait au Vélodrome, le matin, puis on nous disait si on allait s’entraîner au Cesne, à Luminy, ou à Saint Menet, où il y avait quand même des structures beaucoup plus importantes. Quand je suis revenu, le stade avait changé. Avant, il y avait une dizaine de personnes au club, et quand je suis revenu il y en avait 150, je crois.

« Marcelo m’a permis d’augmenter ma capacité de travail »

Tu t’es fait la main avec l’équipe réserve, à partir de 2010. Quels étaient les rapports entre les sections amateurs et pros ?
J’ai d’abord passé quatre ans au recrutement. Et quelque part c’est un travail qui m’aide encore aujourd’hui lorsque je dois choisir les joueurs. J’ai eu par moments quelques éléments qui descendaient des pros. Je devais faire le suivi des jeunes qui venaient jouer chez moi. Les blessés, les joueurs qui ne pouvaient pas s’entraîner, constituaient ma relation avec les pros.

Tu es devenu adjoint d’Élie Baup et vous avez réalisé une belle saison. En quelques mots, qu’est-ce que tu retiens de sa méthode ?
Élie passait bien avec les joueurs. C’est quelqu’un qui, sur le plan psychologique, était très bon. On a fait une très belle année.

Comprends-tu l’idolâtrie dont a été l’objet Marcelo Bielsa, à Marseille ?
J’imagine que c’est parce qu’il est spécial, parce qu’il est à part. Sur les six premiers mois, ça a été du rêve pour tous les Marseillais. Ils attendaient une équipe dont l’aspiration serait d’être championne. On est champions d’automne et c’est vrai qu’il a été idolâtré.

As-tu gardé quelque chose de sa méthode dans ta façon d’opérer ?
Déjà, en travaillant avec Marcelo, on augmente sa capacité de travail. Il est énormément demandeur. La capacité de travail que j’ai aujourd’hui est beaucoup plus importante que celle que j’avais avant Marcelo. Ensuite, il y a l’analyse vidéo. J’ai pris conscience de son importance et, en particulier, l’analyse des vidéos individuelles des joueurs. Au niveau du jeu, ce n’est pas quelque chose que j’ai découvert. J’ai évolué en Espagne, et le jeu vers l’avant est quelque chose qui y est normal et courant. Mais c’est vrai qu’il a ses adaptations à lui et c’est intéressant. Ce n’est pas réalisable avec tous les joueurs, mais ce sont des idées que je garde en tête.

« On disposait de 2,5 millions d’euros pour recruter »

Tu as été propulsé sur le devant de la scène lors de l’été 2016. L’OM était dans une situation financière catastrophique. Quel bilan tires-tu de ce mercato estival ?
Au début, je me suis occupé du mercato parce qu’on a eu une réunion avec Margarita Louis-Dreyfus, Michel et Vincent Labrune. On a appris que ça allait être la fin. J’ai soulevé le petit lapin du chapeau en disant que l’important était de travailler sur le recrutement, parce qu’il y avait plusieurs joueurs qui allaient partir. Là, on m’a dit de commencer à regarder. J’ai utilisé donc mes relations et j’ai mis la cellule de recrutement sur le pont. Dans les clubs, on parle de cellule de recrutement, mais souvent les recruteurs disent qu’ils ne sont pas écoutés. Ayant travaillé de l’autre côté, je savais que ça allait être un plus. Avec Jean-Phi (Durand), on a réalisé un recrutement qui a mené l’équipe à la cinquième place. Les vrais armateurs de ce classement, ce sont Gomis, Vainqueur, Thauvin, Njie, Fanni, Sakai ou Pelé. Et, par exemple, il y a beaucoup de gens qui m’ont demandé ce que j’allais faire avec Pelé titulaire : il a fait une très bonne saison.

Zinedine Machach a rejoint Naples, qu’est-ce que cela t’inspire ?
C’est un gamin qui a du talent. Je sais qu’avec nous, il n’y a pas eu que des bonnes choses. Il faut prendre le temps, l’amener à maturité. Il a fait une énorme erreur à Toulouse. On peut le condamner pour ça. Après, son talent lui permet de rebondir à Naples. J’espère qu’il ne grillera pas cette dernière cartouche.

Gardes-tu une frustration suite à ton éviction, juste avant le Clasico, et ton remplacement par Rudi Garcia ?
C’est vrai que j’aurais aimé faire ce Clasico. Bon, j’ai, je dirais, une frustration sportive. Le fait d’avoir eu 2,5 millions d’euros pour recruter… Au départ, on m’a dit qu’il y avait 10,5 millions et que l’on en avait déjà dépensé 8 sur Cabella. Il ne restait plus que 2,5 millions pour le recrutement. Et avec ça, on est arrivé à prendre Gomis, Vainqueur, Thauvin, Sakai, Machach, Khaoui, Leya Iseka, Hubocan, Fanni… Les problèmes d’argent ont fait qu’on a eu 3-4 joueurs au départ, et que les autres sont arrivés en septembre. Et surtout, la plupart des joueurs qu’on avait pris n’avaient pas fait une saison complète. Gomis, je crois que ça faisait six mois qu’il était sur le flanc, Vainqueur, ça faisait huit mois, et Bedimo aussi. Thauvin avait fait une saison en dents de scie. On l’avait récupéré à Noël, mais il n’avait pas joué de six mois. Pelé, ça faisait deux ans qu’il n’avait pas joué régulièrement. Toute cette équipe, que j’avais montée, je savais qu’elle ne serait prête que fin octobre-début novembre. C’est là, au moment où on fait deux victoires et un nul, que je suis évincé. Je savais que l’équipe allait fonctionner. On était à deux points de la cinquième place. Donc sportivement, oui, il y a eu une frustration. C’était le moment où j’allais pouvoir me régaler. J’allais avoir une équipe qui allait fonctionner. Mais après, à partir du moment où les nouveaux dirigeants étaient arrivés, je savais que du jour au lendemain, je pouvais partir. Je savais que j’allais partir.

« C’est toute l’expérience que j’ai emmagasinée… »

Profites-tu de ce temps libre pour étudier de nouveaux schémas, de nouvelles animations ? Est-ce que tu t’inspires d’autres coachs ?
J’ai une énorme expérience de tout ça. Oui, je regarde des matchs. Oui, je regarde ce qui se passe, dans les matchs. Il y a des choses qui m’intéressent. Mais après, en étant allé en Angleterre et en Espagne, en ayant travaillé avec des coachs comme Bielsa, Michel… Je faisais les recrutements et je supervisais le match de l’adversaire. C’est moi qui faisais des rapports pour Didier Deschamps, pour Éric Gerets ou Albert Emon. J’ai travaillé avec un panel d’entraîneur qui m’a permis de me créer ma propre idée. Ce n’est pas un hasard si, à Lille, on est parvenu à faire changer la manière de jouer, en un mois et demi. L’ équipe était plus joueuse. C’est toute l’expérience que j’ai emmagasinée de tous les rapports que j’ai pu avoir avec les entraîneurs avec qui j’ai collaboré, ou qui m’ont entraîné. Aujourd’hui, je regarde beaucoup de matchs et j’ai beaucoup débriefé le travail que j’ai fait, que ce soit à Lille ou Marseille. Chercher de nouveaux schémas… Je dirais que dans le foot, il ne faut pas non plus trop essayer d’inventer. Tu as des adaptations, bien sûr. Un mec comme Guardiola, par exemple, est capable de trouver de nouvelles orientations, car il a une qualité de joueurs importante. Ce sont presque tous des phénomènes. Avec des joueurs qu’on peut avoir nous, ou que j’aurai probablement lorsque j’aurai une équipe, je ne vais pas chercher ce genre d’adaptation.

Tu le trouves comment, cet OM 2017-2018 ?
Je trouve qu’ils ont démarré difficilement et, petit à petit, la confiance s’est installée. La qualité des gars a augmenté, parce que la bourse pour recruter est beaucoup plus importante. Le foot, aujourd’hui, c’est aussi beaucoup l’argent : il n’y a qu’à voir Paris. Cette équipe est encore en progression. C’est dommage qu’ils ne soient pas arrivés à trouver l’attaquant, pour l’instant. Je pense qu’ils auraient plus de certitudes sur la deuxième place.

Tu as un petit message pour nos membres et les supporters de l’OM qui nous lisent ?
Qu’ils continuent à suivre cette équipe et à être patients pour la suite. C’est clair qu’aujourd’hui, passer devant Paris, ça sera compliqué. Ce n’est pas le même niveau de joueurs. Par contre, avec de la patience, il est possible de construire quelque chose.

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