Bilan : que retenir de Labrune ?

« Notre stratégie, c’est celle d’Arsenal, qui a misé sur des jeunes et un projet de jeu pour exister, ou celle de Dortmund. C’est la seule stratégie possible », avait confié Vincent Labrune, en 2013. Une déclaration restée dans les mémoires.

Vincent Labrune

Après cinq ans de présidence, on dispose du recul nécessaire pour juger son travail. La politique mise en place, qu’il annonçait « bien plus en phase avec la société, ainsi qu’avec les réalités économiques du monde du foot », est quasi unanimement désavouée. Il y aurait tant à dire, voici ce que FootMarseille en a retenu :

Le sportif sacrifié sur l’autel de la finance

Le fameux projet Dortmund de VLB est allé droit dans le mur. L’OM a bien réalisé quelques bons coups, on pense particulièrement à Giannelli Imbula, Mario Lemina, Benjamin Mendy ou Michy Batshuayi, qui ont en commun d’avoir été vendus plus cher qu’ils n’ont été achetés. Néanmoins, deux problèmes majeurs se sont posés : d’une part, les footballeurs de vingt ans sont perméables à la pression, et leurs performances s’en sont ressenties. D’autre part, tous les « cracks » ont tous été transférés avant d’avoir atteint leur maturité footballistique, afin de résorber les déficits. En conséquence, l’OM n’est pas parvenu à exploiter leur potentiel (sauf peut-être sous l’ère Bielsa ?), endossant davantage que d’accoutumée le rôle de « club tremplin ».

Sportivement, le constat est terrible : le club est passé du top 3 Français aux candidats au maintien en Ligue 1. À l’échelle européenne, cela représente un glissement du top 15 vers le top 50. C’est d’autant plus triste que les plus-values n’ont finalement servi qu’à combler les déficits.

Une masse salariale mal maîtrisée

Car s’il avait écharpé ses prédécesseurs en raison d’un train de vie de club supposé trop élevé, Vincent Labrune s’est finalement révélé être un pire gestionnaire. En l’état, le budget du club marseillais (hors mutations) reste sur cinq déficits successifs (-26,6 M€ en 2011-2012, -18,9 M€ en 2012-2013, -12,4 M€ en 2013-2014, -54 M€ en 2014-2015 et, selon Le Parisien, environ -40 M€ en 2015-2016). En 2014-2015, l’OM a même établi son déficit-record, jusque-là détenu par la triste saison 2001-2002 (-40 M€) ! Lors du même exercice, la masse salariale du club a explosé (97 M€), rivalisant avec celles de 2010-2011 (100,8 M€) et 2011-2012 (98,5 M€), lors desquelles l’OM participait à la C1 et disposait d’un effectif en conséquence.

À la décharge de l’Orléanais, le déséquilibre du budget olympien a été amplifié par deux phénomènes ne dépendant pas de lui : les travaux de rénovation du Stade Vélodrome et la mise en place de la taxe à 75 % chère à François Hollande. Le club phocéen a aussi été victime d’une succession d’erreurs arbitrage assez hallucinantes, en 2014-2015, qui ont eu pour effet de le priver de qualification pour la Ligue des Champions.

La terrible braderie des gros salaires

Pour réduire le niveau des rémunérations versées, Vincent Labrune a, dès 2011, jugé qu’il était rentable de brader les joueurs aux émoluments importants. On a ainsi assisté aux départs de Gabriel Heinze (0 €, à un an du terme de son contrat), Lucho González (2 M€, à un an et demi du terme de son contrat), Vitorino Hilton (0 €, à un an du terme de son contrat), Brandao (0 €, en fin de contrat), Stéphane Mbia (6 M€, à deux ans du terme de son contrat), Cesar Azpilicueta (8 M€, à un an du terme de son contrat), Loïc Rémy (10,5 M€, à deux ans et demi du terme de son contrat), Morgan Amalfitano (1 M€, à un an du terme de son contrat), Benoît Cheyrou (0 €, fin de contrat), Jérémy Morel (0 €, fin de contrat), André-Pierre Gignac (0 €, fin de contrat), André Ayew (0 €, fin de contrat), Rod Fanni (0 €, fin de contrat)…

Autrement dit, Le club s’est privé de plusieurs dizaines de millions d’euros pour… réduire sa voilure. Un choix d’autant plus aberrant que la masse salariale a quand même explosé comme jamais (comme on l’a vu au paragraphe précédent). D’une certaine manière, VLB s’est tiré une balle dans le pied, puisque ce processus a dilapidé l’héritage laissé par Pape Diouf et Jean-Claude Dassier.

Bielsa, l’incroyable éclaircie

Le coup de maître de Vincent Labrune aurait dû constituer en la venue de Marcelo Bielsa. Adulé par les supporteurs, l’Argentin s’est fondu dans le moule marseillais comme peu de techniciens avant lui. Il a obtenu d’incroyables résultats et permis à l’OM de jouer le plus beau football au monde (ou pas loin). Il est toutefois regrettable que le patron phocéen n’ait pas suivi les recommandations du Rosarino, lors du mercato estival 2015. Plutôt que de s’appuyer sur la liste de joueurs qu’il lui avait fournie, le président a semblé privilégier ses propres pistes.

L’arrivée de Matheus Doria (10 M€, Ndlr) a ainsi fait sortir El Loco de ses gonds, et brisé la relation de confiance établie entre les deux hommes. Selon Jan van Winckel, la démission de Marcelo Bielsa, survenue un an plus tard, est entre autres liée à la vente de Dimitri Payet à West Ham. Pour rappel, l’international français a été bradé 15 M€ au club londonien sous prétexte de renflouer les caisses, alors qu’il disposait du statut de meilleur « passeur clé » d’Europe (il était donc le joueur créant le plus d’occasions parmi les cinq championnats majeurs, Ndlr).

À plusieurs reprises, Labrune a semblé manquer de réactivité et de présence, alors que le club était dans des situations de crise. À titre d’exemples, la gestion du conflit qui a opposé Didier Deschamps à José Anigo a été plus que laborieuse, le remplacement d’Élie Baup par José Anigo a plombé la saison 2013-2014, et le licenciement de Michel est intervenu bien trop tard pour qu’un espoir de rétablissement subsiste.

En conclusion…

Labrune a eu le mérite d’exploiter des réseaux délaissés et de prendre davantage de risques que certains prédécesseurs (notamment en faisant appel à Marcelo Bielsa). Pour autant, l’incohérence de ses choix a fini par précipiter le club dans les abîmes du classement du championnat. On peut penser que le scénario aurait pu être différent s’il avait accepté le fait que l’OM n’a pas commencé à exister avec lui. À l’instar d’Yves Marchand au début des années 2000, VLB se pensait capable de révolutionner la gestion d’un club de football. Il a échoué, notamment en raison de son approche trop comptable de la profession. Il est indéniable qu’il aurait dû davantage s’appuyer sur l’expérience de ses devanciers.

De surcroît, le roi de comm’ a affiché une condescendance qui lui a valu de se faire beaucoup d’ennemis. Il en a subi de sérieuses répercussions dans sa relation avec les joueurs, les médias ou les supporteurs. Malgré une terrible concurrence, le gâchis est tel que l’on peut légitimement penser qu’il prétend au podium, au titre de pire président de l’ère Louis-Dreyfus. Souhaitons sincèrement que Pablo Dana n’ait pas dans l’idée de l’intégrer dans son projet de rachat…

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