Présidence : Labrune rivalise-t-il avec Diouf ?

Bien que Pape Diouf agace par ses prises de position systématiquement négatives contre ses successeurs, l’ancien agent de joueurs est le dernier président à être resté quatre saisons à la tête de l’OM, avant Vincent Labrune. Le comparatif entre les deux présidences a du sens, alors que l’on se rappelle que le second a été très critique sur le travail du premier.

Cet été, l’OM a opéré un mercato aux antipodes de ceux réalisés du temps de Pape Diouf : un remaniement quasi complet de l’effectif et un recrutement de jeunes joueurs essentiellement réalisé à l’étranger, sur les bancs de quelques « grands clubs » (il fut un temps où ils étaient normaux aux yeux des Olympiens). En outre, VLB n’a pas su contenter Marcelo Bielsa, pour qui le départ de Dimitri Payet semble avoir été la goutte de trop et qui a claqué la porte. Il se retrouve ainsi avec un technicien qui n’a pas fait la préparation et qui n’a pas choisi ses joueurs. On peut penser que recréer une équipe dans ces conditions prendra beaucoup de temps, que ce soit avec Michel ou un autre coach.

Comme l’a récemment souligné Daniel Riolo dans l’Afterfoot, on attend désormais que le président marseillais nous explique ses choix. Pour l’aider à prendre la mesure du déclin phocéen, nous nous sommes « amusés » à confronter ses résultats à la tête du club avec ceux de Pape Diouf, son vieil ennemi.

Bilan financier : Diouf l’emporte haut la main

Lorsque Pape Diouf a publié son livre intitulé « C’est bien plus qu’un jeu », en mars 2013, la direction phocéenne s’était fendue d’une page publicitaire dans L’Équipe pour lui répondre : « La porte, il ne l’a pas claquée, il l’a prise à la demande de l’actionnaire. Pour deux raisons clairement exposées à l’époque. La première est d’avoir fait exploser la masse salariale (+ 140 %) en l’espace de 60 mois. Pape Diouf, si prompt à critiquer la mauvaise gestion des autres, ne fournit étonnamment presque aucun chiffre sur la sienne. Un petit rappel est utile dans ces conditions. De 24.3 M€ à son arrivée, la masse salariale est passée à 58.3 M€ au moment de son départ », avait-elle cru bon de préciser.

D’après le bilan communiqué par la DNCG, le total des rémunérations atteignait même 75 M€, lors de la dernière saison de Pape Diouf en tant que patron. Un montant qui ne semble a priori pas très élevé, alors que le club participait chaque année à la Ligue des Champions.

Au contraire de ce que l’on pouvait lire dans le communiqué, les rémunérations paraissaient relativement encadrées, durant la présidence Pape Diouf (masse salariale 2005-2006 : 36,6 M€* ; masse salariale 2006-2007 : 43,3 M€* ; masse salariale 2007-2008 : 49,7 M€* ; masse salariale 2008-2009 : 75,1 M€*, Ndlr). L’augmentation importante, lors de la dernière saison, est à mettre en parallèle avec la croissance importante des revenus. Elle n’a en tout cas pas causé de déficit. Les budgets étaient également maîtrisés et ne comptaient pas de déséquilibres majeurs (résultat 2005-2006 : -6,8 M€* ; résultat 2006-2007 : -4,7 M€* ; résultat 2007-2008 : +13,9 M€* ; résultat 2008-2009 : +0,1 M€*, Ndlr).

Le bilan financier de Pape Diouf est très flatteur, alors que l’austérité était de mise durant les saisons qui ont suivi le départ de Christophe Bouchet (en 2004-2005, le déficit a été de 28,9 M€*, Ndlr), et que les résultats sportifs ont été au rendez-vous, malgré la présence d’un sextuple champion de France devenu financièrement intouchable (ce qui tend à relativiser l’influence qu’aurait aujourd’hui le PSG qatari sur nos chances d’obtenir un bon classement).

C’est bien sous la présidence de Jean-Claude Dassier que la masse salariale a réellement explosé (masse salariale 2009-2010 : 92 M€* ; masse salariale 2010-2011 : 100,8 M€*, Ndlr). L’arrivée de Vincent Labrune a permis d’un petit peu endiguer ce phénomène (masse salariale 2011-2012 : 98,5 M€* ; masse salariale 2012-2013 : 76,9 M€* ; masse salariale 2013-2014 : 85,1 M€*, Ndlr), mais pas d’empêcher les déficits, dans un contexte pas vraiment favorable, il faut l’avouer (résultat 2011-2012 : -26,6 M€* ; résultat 2012-2013 : -18,9 M€* ; résultat 2013-2014 : -12,4 M€*, Ndlr).

À noter que lors de la saison 2012-2013 (Vincent Labrune), la MS a représenté 62 % du budget, alors qu’elle n’avait jamais dépassé les 60 % avec Pape Diouf.

Le bilan financier de Vincent Labrune, qui avait fait son credo de la baisse des rémunérations des joueurs, n’est pas convaincant du tout. Le président était néanmoins quelque peu muselé par les engagements contractuels pris par son prédécesseur, JCD, la taxe à 75 % et les travaux relatifs à la rénovation du Stade Vélodrome. Les chiffres 2014-2015 seront très intéressants à analyser, alors que l’OM a vendu quelques cadres pour rééquilibrer le budget (Giannelli Imbula et Dimitri Payet, Ndlr) avant de passer devant la DNCG.

Bilan sportif : Diouf loin devant Labrune

Chacun des deux hommes est entré en fonction alors que le club était, financièrement en tout cas, dans une phase critique. Ils ont opté pour des stratégies de développement différentes. L’un (Pape Diouf) privilégiait le recrutement local, un certain amalgame entre jeunes et anciens, les techniciens francophones et la continuité. L’autre (Vincent Labrune) a préféré faire table rase du passé, est devenu adepte des renforts exotiques, des entraîneurs étrangers, des grands chambardements et a tout misé sur l’énergie des très jeunes joueurs. Les deux se rejoignent sur leur quête de plus-values.

Après le fiasco de la saison 2004-2005, Pape Diouf a été bien inspiré d’emblée en pariant sur des Mamadou Niang, Lorik Cana, Sabri Lamouchi, ou encore Franck Ribéry. S’il y a bien eu quelques couacs durant sa présidence, le Sénégalais a misé sur la stabilité de l’équipe-type, apportant des retouches au fil des saisons, sans jamais prendre de risque ou trop prospecter sur les marchés des autres championnats européens (ce qui lui était d’ailleurs reproché par certains fans).

Avec Pape Diouf, la progression de l’équipe a été constante et l’OM s’est installé durablement dans le haut de tableau : 5e en 2005-2006, 2e en 2006-2007, 3e en 2007-2008 et 2e en 2008-2009. Il n’a néanmoins pas réussi à glaner le moindre titre.

Vincent Labrune est quant à lui arrivé alors qu’un groupe compétitif était déjà en place. Fidèle à sa politique, il n’a eu de cesse, depuis sa venue, de se séparer des gros salaires et cela a eu un impact très marqué sur ses décisions lors des mercatos.

Durant son premier mercato, il a poussé vers la sortie quelques joueurs expérimentés tels Gabriel Heinze, Édouard Cissé, ou encore Vitorino Hilton. À l’inverse, Nicolas Nkoulou, Jérémy Morel et Alou Diarra sont arrivés. Malgré une équipe somme toute composée d’internationaux, l’OM n’est pas parvenu à faire mieux qu’une 10e place, en 2011-2012. À noter qu’il est néanmoins parvenu en quart de finale de la Ligue des Champions et à remporter la Coupe de la Ligue.

La saison suivante, VLB a su apporter des retouches et l’équipe, soulagée d’une participation à la LdC très éprouvante, a fini second du championnat. Les affaires se sont ensuite gâtées, malgré le coup de génie Marcelo Bielsa : 10e en 2011-2012, 2e en 2012-2013, 6e en 2013-2014 et 4e en 2014-2015. Enfin, la formation de Michel pointe en 16e position, au soir de la dixième journée de l’exercice 2015-2016.

Des résultats très mitigés, donc, sous l’ère Vincent Labrune. Le club n’est pas parvenu à se qualifier régulièrement pour la si lucrative Ligue des Champions. Un frein pour le développement de l’OM, puisque cette compétition offre une vitrine extraordinaire qui permet, entre autres, d’accroître peu à peu les recettes liées au merchandising ou aux sponsors.

Diouf vainqueur par KO

Le bilan de Vincent Labrune ne pèse pas vraiment lourd à côté de celui de Pape Diouf. Hasard ou non, la mise en place progressive de sa stratégie coïncide avec une diminution importante des résultats, financiers et sportifs, et rien ne laisse à penser que la situation va s’améliorer. L’OM a grillé ses jokers et est entré dans une spirale négative, car si Michel et ses hommes ne parviennent pas à se reprendre (et rien n’indique qu’ils aient les armes pour le faire), les recettes seront violemment impactées.

La politique de formation tarde également à donner des résultats. Comme Robert Louis-Dreyfus avant lui avec son « Bayern du sud », Vincent Labrune paraît avoir mis en place un projet sans tenir compte des spécificités liées au contexte marseillais, et notamment de la pression, qui est l’une des plus importantes dans le football européen. Cette dernière complique en particulier l’épanouissement de joueurs au mental un peu fragile (comme la plupart des jeunes).

Enfin, s’il est encore un petit peu tôt pour juger le mercato estival, on peut une nouvelle fois répéter que le président olympien a surtout oublié de tenir compte des erreurs déjà commises par les Christophe Bouchet, Yves Marchand, Bernard Tapie II ou encore RLD lui-même. C’est d’autant plus regrettable qu’il donne le sentiment d’énormément s’investir, ses cernes profondes et ses nouveaux cheveux blancs en témoignent…

*Chiffres communiqués par la DNCG.

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